La réforme de la publicité dans les télévisions publiques en France est un paradoxe politique. C'est une fusée à deux étages. La première, en supprimant les écrans de réclames dans le public, elle donne l'avantage au privé, mettant à mal avec hardiesse les règles d'or du libéralisme dont s'affuble Sarkozy en faussant par décision politique contestée le libre jeu de la concurrence. Paris : De notre bureau Deuxième étage, il fusille l'équilibre entre politique et audiovisuel, difficilement monté après 1981 par le régime mitterrandien qui avait créé la Haute autorité de l'audiovisuel devenue par la suite le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Cette instance nommait jusque-là les présidents des chaînes publiques. Là, le président Sarkozy décide de supprimer cette disposition, choisissant à l'avenir une nomination par l'exécutif, revenant d'un seul coup au vieux temps de l'ORTF, que certains actualisent en « ORTS : office de la radio télévision sarkozienne ». Même dans son camp, les critiques fusent. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, a parlé de « parfum Ve République du début qu'il faudrait peut-être mieux éviter ». Le député et ex-ministre UMP, François Goulard, a qualifié ce projet de « recul invraisemblable pour l'indépendance des médias », se disant, dans Le Parisien, « scandalisé ». Côté opposition de gauche, on parle chez les Verts de « dérive berlusconienne et népotisme à la Poutine ». Mis à part les contingences de devenir l'agent du gouvernement, liquidable à tout moment, comment un président de chaîne nommé de cette façon laisserait libre cours à la création si elle dérange les politiques en place ? Outre les aspects contraignants, de nouvelles ressources sont à rechercher par le secteur public sans pub (taxes sur les opérateurs internet et téléphone, taxe sur la pub des chaînes privées), c'est ce que craignent les professionnels, particulièrement l'association de réalisateurs de films de télévision Groupe 25 Images. Avec leurs partenaires et leurs collaborateurs habituels, scénaristes, techniciens de la production et de la réalisation, acteurs, musiciens, ils sont parmi les premiers touchés. « Des milliers de jours de travail volent en éclats. D'ores et déjà, la production est en chute libre. Les prévisions sont révisées à la baisse. Le pouvoir, aujourd'hui, a déclaré la guerre à la culture », estiment-ils. En clair, s'il y a moins d'argent, cela veut dire moins de commandes pour les télés publiques et des commandes sélectives. Toute la filière audiovisuelle qui vit adossée aux nécessités de la programmation télévisuelle en ferait les frais. Cela étant surtout vrai pour ceux qui dérangent le ronron politique. Les salariés de France 3 Alsace résument en estimant que « l'annonce présidentielle était la conséquence d'une toute autre logique : le siphonnage programmé des fonds du service public au profit du secteur privé. Depuis 5 mois, toutes les annonces filtrent dans ce sens et forment un puzzle dont l'annonce de la suppression de la publicité pour le service public n'est qu'une pièce ». Voilà dont on n'a pas fini de causer en France.