Prévu pour hier, au tribunal criminel près la cour de Tizi Ouzou, le procès des présumés assassins du chantre de la chanson kabyle, Matoub Lounès, a été renvoyé. Ce report est motivé par l'absence des témoins comme l'a exigé la partie civile qui a également plaidé pour la réouverture du dossier pour les besoins d'une enquête complémentaire. C'est, d'ailleurs, ce qui a été décidé par le juge. Maître Salah Hannoun, avocat de Nadia Matoub, veuve du rebelle, estime : « Que ce soit en termes de procédure ou en termes d'action politique, ce report permettra d'apporter des éclairages sur ce dossier qui reste un dossier éminemment politique. Donc, la décision actuelle est la bienvenue. Du moment que cette décision est orientée dans le sens de la vérité et de la justice, elle ne peut que nous satisfaire. Il faut renvoyer le dossier avec tous ses éléments. C'est un dossier politique et sa résolution peut être politique. » Même réaction chez maître Kaci Rahem, avocat de Malika Matoub et sa mère, qui précise, de son côté : « Cela aboutira à la reconstitution des faits. Nous avons demandé aussi l'audition des témoins figurant sur la liste additive qu'a déposée la partie civile à la justice. La présence des différents experts, notamment le médecin légiste, est nécessaire. On a fait un certain nombre de griefs contre l'instruction. On a constaté que l'expertise balistique a été bâclée. Il y a contradiction entre l'expertise réalisée par un médecin légiste du secteur public et celle effectuée par un autre exerçant à titre privé. C'est pour cela qu'on a demandé une contre- expertise », ajoute-t-il. Selon lui, durant l'instruction, les deux principaux accusés ont clamé leur innocence. Pour sa part, Nadia, la veuve du défunt, nous a déclaré que « la justice doit faire un autre travail que celui qui a été fait. On voulait relancer le dossier et pourquoi pas justement une enquête complémentaire. Moi, je suis venue, aujourd'hui, comme victime et comme témoin en même temps ». Dans le même sillage, Malika Matoub nous dira : « Aujourd'hui, c'est une réussite. Malgré que depuis dix ans nous avons lutté contre vents et marées, le temps nous a donné raison. C'est une avancée énorme pour l'affaire Matoub. Car, tout ce qu'a été fait en dix ans est à revoir. Je déplore seulement l'absence des témoins et les experts qui ont accompagné cette parodie d'instruction. Ce dossier ne doit pas attendre encore dix ans », ajoute-t-elle. Par ailleurs, notons qu'hier matin, et comme il fallait s'y attendre, la salle d'audience tout comme les alentours de la cour de justice de Tizi Ouzou, étaient noirs de monde. Un grand étendard de Matoub Lounès était accroché à l'entrée principale de l'institution judiciaire. Après l'annonce de la décision du renvoi du procès, on a failli assister à des escarmouches entre des jeunes et les éléments du service d'ordre à l'intérieur de la salle d'audience où fusaient des slogans hostiles au pouvoir tels que « ulach smah ulach » et « pouvoir assassin ».