Le projet de loi prohibant le port du voile islamique intégral dans l'espace public en France sera définitivement adopté par le Parlement mardi, après son examen au Sénat, dans un climat dépassionné et en dépit de réserves juridiques. La France sera le premier pays européen à procéder à cette interdiction généralisée. Un projet similaire est aussi en cours d'adoption en Belgique. Le texte ne vise pas expressément le voile intégral mais "la dissimulation du visage dans l'espace public". L'espace public comprend les rues mais aussi "les lieux ouverts au public" (commerces, transports, parcs, cafés...) ou "affectés à un service public" (mairies, écoles, hôpitaux...). Le texte interdira de fait, après six mois de "pédagogie", le port du niqab ou de la burqa, sous peine d'une amende de 150 euros et/ou d'un stage de citoyenneté. Toute personne obligeant une femme à se voiler sera passible d'un an de prison et de 30.000 euros d'amende, selon un nouveau délit effectif, lui, sitôt la loi promulguée. Très vive il y a un an, en raison notamment d'un débat parallèle controversé voulu par le gouvernement sur "l'identité nationale", la tension politique autour de l'interdiction est retombée ces derniers mois, surtout après le vote consensuel au printemps à l'Assemblée nationale d'une résolution condamnant le port du voile intégral. Cette résolution, sans pouvoir contraignant, spécifie que "les pratiques radicales attentatoires à la dignité et à l'égalité entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles le port d'un voile intégral, sont contraires aux valeurs de la République". Pour autant, à l'Assemblée nationale, la gauche avait majoritairement refusé de prendre part au vote sur le projet de loi en juillet, arguant des risques "d'inconstitutionnalité" et de "stigmatisation" des musulmans. Au Sénat non plus, les Verts et les communistes ne participeront pas au scrutin, pour les mêmes raisons. Le groupe socialiste arrêtera lui sa position mardi mais certains membres semblent vouloir approuver le texte. Le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative du pays, avait émis des réserves sur une interdiction généralisée qu'il a jugée "sans fondement juridique incontestable". Il avait recommandé de limiter cette interdiction à certains lieux publics (administrations, transports, commerces). Selon des juristes, la France pourrait aussi s'exposer à une condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme pour qui chacun peut mener sa vie selon ses convictions dès lors que cela ne porte atteinte à autrui. Le Conseil français du culte musulman, principal organe représentatif des musulmans, s'était aussi opposé à un projet qui "risque de stigmatiser l'islam", alors que le voile intégral serait porté par moins de 2.000 femmes sur un total de 5 à 6 millions de musulmans. Devant ces réserves, le gouvernement s'est appuyé sur la notion d'atteinte à "l'ordre public social": dissimuler son visage n'est pas seulement contraire à la dignité de la personne mais empêche la relation à autrui et heurte les exigences de la vie collective. Anticipant les contestations de particuliers, les présidents des groupes parlementaires de la majorité présidentielle des deux assemblées ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel. Celui-ci ayant un mois pour se prononcer, la promulgation de la loi si elle est validée est attendue d'ici la mi-octobre.