Après la "bombe" Obama l'an dernier, le comité Nobel norvégien pourrait de nouveau faire des vagues cette année s'il décide, comme le pronostiquent certains, d'attribuer le prix Nobel de la Paix à un dissident chinois le 8 octobre. La saison Nobel s'ouvre lundi à Stockholm avec le prix de Médecine. Suivront la Physique, la Chimie, la Littérature et l'Economie. Mais le prix le plus attendu est celui de la Paix attribué vendredi à Oslo. "Si le comité Nobel est courageux, et je pense qu'il le sera, il devrait récompenser l'opposant chinois Liu Xiaobo", avance un historien spécialiste du Nobel, Asle Sveen. "Cela fait tellement de temps que l'on parle de dissidents chinois pour ce prix". Ce choix ne manquerait pas de faire enrager le régime chinois. Selon l'influent secrétaire du comité Nobel, Geir Lundestad, Pékin a déjà averti qu'un tel prix constituerait un "geste inamical" qui pourrait affecter les relations entre la Chine et la Norvège. Liu Xiaobo, 54 ans, avait été condamné le jour de Noël 2009 à 11 ans de prison pour "subversion du pouvoir de l'Etat" après avoir été l'un des auteurs de la "Charte 08", un texte réclamant une Chine démocratique. Selon le site de paris en ligne Paddypower.com, le dissident emprisonné tient la corde (6 contre 1). Il devance le Premier ministre zimbabwéen Morgan Tsvangirai, l'ONG russe Memorial et sa cofondatrice Svetlana Gannouchkina, et l'ex Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, l'Irlandaise Mary Robinson, donnés à 8 contre 1. "Liu serait un choix populaire en Occident qui aurait le mérite de faire oublier le fait qu'Obama n'a pas comblé les attentes", poursuit Asle Sveen. Le président américain avait, à la surprise générale, remporté le prix l'an dernier, moins de neuf mois après sa prise de fonctions et alors qu'il était embourbé dans deux guerres en Irak et en Afghanistan. Cette année, les cinq membres du comité avaient l'embarras du choix avec un record de 237 candidatures. Une liste tenue secrète, à l'exception des noms rendus publics par les "parrains". "Je pense que le lauréat 2010 sera quelqu'un de peu connu", estime le journaliste et auteur américain Scott London qui suit de près les Nobel. "Cela pourrait être quelqu'un qui oeuvre pour la paix d'une façon originale: un chercheur, par exemple, ou un journaliste d'investigation". Pour le directeur de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo (Prio), Kristian Berg Harpviken, le comité devrait revenir à un lauréat "quelque peu plus traditionnel que celui de l'année dernière". Sa préférence va à la militante afghane des droits de l'Homme Sima Samar, à la radio Democratic Voice of Burma (DVB) basée à Oslo, ou au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Parmi les autres "nominés" figurent les "pères" de l'internet --les Américains Larry Roberts et Vint Cerf, et le Britannique Tim Berners-Lee--, la station spatiale internationale (ISS), le médecin congolais Denis Mukwege et d'autres dissidents chinois tels que Hu Jia et Gao Zisheng. L'autre Nobel prestigieux, celui de Littérature, décerné jeudi à Stockholm, pourrait récompenser un poète et peut-être même une femme d'Afrique, selon les cercles littéraires. L'Algérienne francophone Assia Djebar est l'un des noms qui circulent, de même que le Suédois Tomas Tranströmer, le Syrien Adonis et le Sud-coréen Ko Un. Autres "Nobélisables" habituels: les auteurs canadiennes Margaret Atwood et Alice Munro, les romanciers américains Philip Roth et Joyce Carol Oates et l'Israélien Amos Oz. Les prix --un diplôme, une médaille et un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (1,09 million d'euros)-- seront remis à Stockholm et Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de leur fondateur, l'inventeur suédois Alfred Nobel.