La filière horticole en Algérie connaît un déclin sans précédent. Mais c'est surtout la production de la fleur coupée qui affiche le plus fort déficit. L'une des filiales horticoles ornementales avec celle des plantes en pot, des bulbes et des produits de pépinière, elle a subi les conséquences des coûts de financement et de production assez élevés, d'un système d'exploitation agricole favorable aux cultures à rendements rapides mais aussi à une urbanisation anarchique qui, au cours de ces vingt dernières années, a « rongé » des milliers d'hectares de terres agricoles. Au moment où le marché mondial de la fleur coupée enregistre un nombre croissant de pays producteurs qui approvisionnent les principaux marchés de consommation que sont l'Union européenne, les Etats-Unis et le Japon, ce secteur, en Algérie est, au contraire, à l'agonie. Selon un expert en floriculture, « les agriculteurs ont opté pour des cultures à rendements rapides, comme le maraîchage, qui n'exigent que des investissements limités à court terme. Même si les agriculteurs savent que la culture des fleurs coupées rapporte énormément, ils n'ont pas les moyens de les développer, ni l'argent nécessaire ». Effectivement, le constat est vite confirmé sur le terrain. Les pépinières de la Mitidja, jadis productrices de tout types de fleurs et d'essences à parfums, investissent dans les plantes en pot et les plants pour l'arboriculture fruitière. « Nous avons renoncé à la production de fleurs coupées depuis quelque temps déjà. Les coûts de production sont assez élevés et nous n'avons que des miettes comme bénéfice. Nous avons, alors, investi dans la production de plants pour les arboriculteurs. Nous avons un parc à bois assez riche en variétés résistantes mais aussi des variétés dont les qualités agronomiques ne sont plus à démontrer. Aussi, les variétés que nous utilisons comme greffon sont très productrices », déclare Hocine, propriétaire d'une pépinière dans la région de Blida. Un autre pépiniériste assure que les plantes en pot sont aussi rentables. « Elles sont destinées, surtout, aux clients qui ont des jardins. Ils veulent se procurer différentes variétés pour égayer leurs jardins. Même les plantes d'intérieur sont beaucoup appréciées. Voulant s'identifier à la mode occidentale, les Algériens veulent tous mettre des plantes vertes dans leurs couloirs et leurs salons », poursuit-il. LES FLEURISTES SE PLAIGNENT DU MANQUE DE MARCHANDISE Les fleuristes forment l'autre maillon de cette chaîne de production de la fleur coupée. Ces derniers se plaignent et du manque de marchandise mais aussi du désintérêt des consommateurs. Ils précisent, néanmoins, que « les conditions sociales ont laissé la fleur coupée se faner ». « Avant, en plus de la production nationale, nous importions des fleurs coupées de Hollande. Un pays qui règne sur le marché mondial. Mais de nos jours, les coûts de production sont assez élevés. Du coup, les producteurs ont investi dans d'autres cultures. Pour ce qui est des importations, cela aussi revient cher aux importateurs. Exigeant des conditions de transport et de conservation particulières, les importateurs ont préféré changer de cap », explique un fleuriste à Alger-Centre. Pour ce qui est des prix, c'est une autre paire de manches. L'unité est proposée entre 50 et 100 DA. Un prix relativement élevé pour la classe moyenne. « La fleur est devenue un luxe pour de nombreuses personnes. Les ménages ne peuvent plus décorer leurs demeures avec des roses, des tulipes, des girofles, des chrysanthèmes... », dira-t-il pour ajouter que « c'est le manque de marchandise qui a propulsé les prix ». Dans ce sens, il dira que même au niveau des rares pépinières productrices les prix varient entre 30 et 50 dinars l'unité. « Même nous, nous les achetons à des prix assez élevés. Les producteurs prétextant la fragilité de la fleur et des conditions de production, ont fait exploser les prix ». Pour autant, le consommateur algérien estime que « la cherté de la vie lui a fait perdre le goût du raffinement ». « Les fleurs ? Celles qui ont un joli aspect et de bonnes senteurs ? Ah, celles-ci je les ai oubliées depuis bien longtemps. De nos jours, ce sont les produits de première nécessité qui occupent toute notre attention. Nos maigres bourses ne nous permettent plus de nous gâter avec de belles roses pourpres », soutient une mère de famille.