La victoire tout en nuance de Hollande, sobre et éclatante, traduit le paradoxe du demi-siècle de la Ve république accordant ses faveurs à la droite traditionnelle (5 sur 7 présidents) et ne dédaignant pas pour la circonstance de sanctionner de la manière la plus sévère les ratages et les reniements de toutes sortes. Après 17 ans d'absence, la consécration du 7e président sur le fil (51, 6%), porteuse d'une volonté de redressement et du refus de la lepénisation de la République, repose sur une solide majorité municipale, départementale, régionale et sénatoriale. Les législatives de juin ? Un challenge décisif. Sur les décombres de la Sarkozie, la « présidence normale » de la France « Hollandaise » est en rupture avec le modèle de gouvernance fastidieuse en faillite. « Le pouvoir au sommet de l'Etat sera exercé au sommet de l'Etat avec dignité mais simplicité », a promis François Hollande. Dans la passation des pouvoirs et l'investiture, toute la symbolique réside dans la cérémonie respectueuse des normes républicaines, réduite à la portion congrue des 30 invités (loin des centaines de 1981), faite en l'absence de ses 4 enfants et de sa compagne et, comme le souligne son directeur de communication, Manuel Valls, exempte du sentiment de « victoire » ou « d'adieux ». Le mandat de la France apaisée a le souci de faire vivre ensemble « tous les Français, sans distinction d'origine ». Bien loin des fractures communautaires suscitées par les tendances xénophobes et islamophobes de son prédécesseur, le message rassembleur de Hollande réhabilite les valeurs républicaines. « Nos différences ne doivent pas devenir des divisions, nos diversités des discordes. Le pays a besoin d'apaisement, de réconciliation, de rassemblement », dit-il. Dans les salons de l'Elysée, le nouveau président a affirmé que « je mesure, aujourd'hui, même le poids des contraintes auxquelles notre pays fait face : une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé, une compétitivité dégradée ». Tels sont les défis confortés par les nouvelles qui ne sont pas bonnes : un croissance nulle au premier trimestre avec une production tournant au ralenti, un peu de consommation atone, pas d'investissements. L'état des lieux, dressé par l'INSSE (Institut des statistiques) ne prête pas à l'optimisme. Le dossier épineux de la croissance sur lequel Hollande a construit son programme table sur un taux de 0,5% dès cette année et de 1,7% en 2013, des prévisions supérieures à celles des institutions internationales, qui lui permettront de remplir son engagement visant à ramener le déficit à 3% du PIB, à la fin de 2013. Terrible gageure. Après la nomination de Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministre, la formation du gouvernement est au cœur de la « révolution » que s'apprête à lancer Hollande, acquis à la règle de la parité, à la réduction des portefeuilles ministérielles ramenées à « 15 grands ministères » dépourvus de mandats locaux, disposant au maximum de « 10 collaborateurs » et au salaire déduit de 30%. Cette France « hollandaise » aura fort à faire pour valider l' « autre Europe » qui sera au centre des entretiens avec la chancelière allemande. Dès son investiture, le nouveau président français se prépare à se rendre à Berlin pour négocier les « bons compromis » et la « voie nouvelle » qui entend poursuivre l'effort de réduction des dettes publiques tout en favorisant une « indispensable stimulation économique ». Le différend franco-allemand sur le pacte de discipline budgétaire, opposant à la dure austérité allemande la volonté des socialistes français d'adjoindre le volet de la croissance, s'invite au G8 de Camp David, prévu ce vendredi. Un débat favorablement accueilli par Washington. Deux jours plus tard, le premier sommet international de Hollande met en jeu, lors du conclave de Chicago, de l'Otan, son engagement de retirer les troupes françaises d'Afghanistan, dès la fin de cette année. Un baptême du feu l'attend au commencement du mandat du redressement et du rassemblement.