Photo : Fouad S. Il n'y a pas que les citoyens désireux de remplir leur couffin qui se marchent sur les pieds dans les marchés. Tout une faune de vendeurs, souvent jeunes, occupe les espaces. Juste pendant le mois de Ramadhan. Le long de la route qui court au-dessus du marché Clauzel, trois enfants essaient d'écouler deux paniers pleins à ras bord de diouls. Ils s'obligent à crier et à vanter leurs marchandises. Ils concèdent 5 DA sur la douzaine écoulée à cinq mètres plus loin 50 DA. Ils ne sont pas seuls et la concurrence est rude. Le boulanger du coin l'atteste. «Chaque année, ils sont de plus en plus nombreux ces enfants qui arrivent de bon matin pour écouler des produits qu'ils ramènent de la maison». Il y a aussi des femmes et des hommes. Chacun vend ce qu'il peut. On trouve des pots de miel, des herbes mais aussi des livrets de religion. Quelqu'un propose même de la javelle. Tout ce qui est susceptible d'intéresser se vend et s'achète. «Même les agents de police ne sont pas très sévères en ce mois-ci», dit malicieusement un garçon qui aligne devant lui des litres de jus. A ceux qui l'interpellent sur la qualité douteuse de ses breuvages, la parade est toute trouvée. Il prend à témoin les présents et désigne du doigt l'épicerie à côté où se vend Rouïba et Jutop beaucoup plus chers. «Nous, on est au service du pauvre», s'exclame-t-il. Mêmes scènes à la rue de Chartres où il est difficile de se frayer un chemin. «C'est la loi du commerce. A chaque saison sa demande», nous explique un vendeur de vêtements dont la boutique est vide. «Bientôt, tous ces gens que vous voyez vendre des herbes ou du jus dans des sachets en plastique transparent vont disparaître». Tout le monde s'improvise commerçant. Certains détenteurs de magasins las de ces intrus qui bloquent les entrées de magasins en sont arrivés à louer les espaces ou à faire sortir leurs bacs pour vendre dehors eux aussi. Ils vont plutôt se reconvertir avec l'arrivée de l'Aid en marchands d'habits et à la rentrée scolaire ils vont se remettre aux articles scolaires. C'est le cas de Hacene qui se partage une table avec son cousin. Ce dernier vient chaque jour de Larbaa Beni Moussa. Il arrive par bus avec des liasses de plantes dont toute ménagère rêve d'assaisonner sa chorba. «Moi, le Ramadhan est la saison où je travaille le plus. Je suis porteur au marché de Rovigo pour 7000 DA mais je me repose chaque Ramadhan. Je ne prends pas de vacances mais les 3000 DA / j que je me partage avec Hacene me garantissent les meilleures rentrées de l'année». C'est une caractéristique du Ramadhan. Le côté face est celui de consommateurs qui se plaignent à tout bout de champ. Le côté pile ce sont des centaines de familles qui durant trente jours vont fabriquer des plats très consommés. De la rachta à la pile de bourek, les paniers en osier ou en plastique débordent. «C'est ma mère et mes sœurs qui bien avant l'arrivée du Ramadhan se préparent durant une bonne partie de la nuit ce que je suis en train de vendre», nous confie un garçon qui dit habiter rue Porte neuve. Dans les quartiers populaires, les soirées ne s'écoulent pas seulement devant la télévision. Des ateliers se mettent en place pour préparer ce que les consommateurs trouvent chaque matin au marché. D'ailleurs, beaucoup d'entre eux voient de cette qualité maison un plus pour appâter le chaland. A l'en croire, il y a même des riches qui consentent des crédits à de plus pauvres sachant que la recette garantit d'être remboursée. Le Ramadhan est ainsi l'occasion pour certaines familles de gagner quelques sous en plus pour parer aux dépenses qui se profilent.