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Les réseaux sociaux en bouclier ?
Publié dans Horizons le 20 - 11 - 2012


Les analystes du conflit israélo-palestinien auront noté, pour cette énième agression perpétrée depuis quelques jours par les autorités israéliennes contre les populations de Gaza, une nouveauté : un prolongement intense des combats sur le réseau Internet avec, du côté israélien, un véritable « tir nourri » orchestré depuis les réseaux sociaux. D'aucuns s'y attendaient : « Ils (ndlr : les Israéliens) sont très conscients de la manière dont les choses vont être perçues, et ce d'autant qu'ils sont de plus en plus isolés dans l'opinion publique mondiale, et moins soutenus par celle des Etats-Unis », note James Noyes, chercheur à la Hoover Institution, une bibliothèque et un think tank américains proches du parti républicain. Le pic est atteint avec l'entrée en « guerre », sur ce terrain virtuel que l'est le réseau internet, du fameux groupe Anonymous qui a clairement pris position contre les agissements de l'armée israélienne. « Depuis bien trop longtemps, les Anonymous ont regardé sans espoir et sans rien faire – avec le reste du monde – le traitement barbare, brutal et méprisable du peuple palestinien par les forces de défense d'Israël dans les soi-disant territoires occupés. Comme tant d'autres sur cette planète, nous nous sommes sentis impuissants face à un mal aussi implacable. Il en était de même jusqu'à aujourd'hui avec l'attaque insensée et la menace d'invasion de Ghaza. Mais quand le gouvernement israélien a publiquement menacé de couper Internet et toutes les télécommunications de la bande de Ghaza, il a franchi la ligne jaune. Comme l'ancien dictateur égyptien Moubarak l'a appris à ses dépens, nous sommes Anonymous et personne ne coupe Internet sous notre surveillance. » C'est en ces termes, contenus dans un communiqué diffusé par le groupe et largement repris par la presse internationale, que les hostilités électroniques ont été ouvertes avec Israël. C'est ainsi que le New York Times a relevé que « des dizaines d'attaques ont été lancées contre des sites officiels israéliens appartenant aux armées israéliennes, au bureau du Premier ministre, à des banques israéliennes ou des compagnies aériennes dans le cadre d'une campagne sur Twitter. » Le groupe Anonymous a rapidement revendiqué une quarantaine d'attaques, avant de publier une liste de sites israéliens attaqués. De leur côté, les Israéliens semblent avoir anticipé la situation avec un groupe de soldats dédié et un budget spécifique de 195 millions d'euros alloué à la cyberdéfense. Une cyberforce, installée dans ses locaux, travaille au développement, selon le Premier ministre israélien, d'un « dôme d'acier » digital. Un mur qui sera la première ligne de défense face à ce qu'il qualifie de « cyberterrorisme ». Les deux camps ont procédé à des échanges coup par coup sur la Toile. « Nous recommandons à tous les militants du Hamas, quel que soit leur rang, de garder la face contre terre dans les jours qui viennent », poste une source militaire israélienne. A quoi une adresse affiliée au mouvement palestinien Hamas@AlqassamBrigade répond immédiatement que « les mains bénies (des membres des Brigades) atteindront vos dirigeants et vos soldats où qu'ils se trouvent ». La décision des Israéliens d'investir le cybersepace a été apparemment prise lors des préparatifs de l'invasion. En effet, dès le début de l'agression, les militaires israéliens se sont appuyés sur le net pour faire connaître et partager leurs « faits de guerre ». Et c'est avec un tweet de trois mots qu'a été annoncé l'assassinat du chef militaire du Hamas. La photo du martyr a été clairement diffusée pour être retweetée – partagée sur Twitter – à l'envi. Sur Facebook, le commentaire accompagnant cette photo ne laisse aucun doute : « Nous recommandons qu'aucun membre du Hamas, quel qu'il soit, ne montre son visage dans les jours à venir ». Cette « recommandation », Bernard Lamon, avocat français spécialiste des technologies de l'information contacté par la RTBF, il la lit plutôt comme une menace ou comme une démonstration de « guerre psychologique ». « Sur le plan juridique, si c'est une menace au sens strict, ça pose question ». En parallèle, les Brigades al-Qassam comme l'armée israélienne administrent un site internet qu'ils mettent à jour en temps réel. Sur celui de la branche armée du Hamas, qui comporte une version anglophone, la liste des martyrs tués par l'armée israélienne est actualisée régulièrement et un article sur l'assassinat de leur chef, Ahmad Jaabari, barre la homepage. Sur le site israélien, disponible en plusieurs langues, les communiqués de presse de l'armée sont régulièrement postés et un compteur du nombre de roquettes lancées sur la bande de Ghaza est présenté dans une colonne bien visible. Un tel échange soulève pour les nouveaux médias la question des limites de la liberté d'expression sur internet, et les place pour beaucoup d'entre eux à une situation inédite. La publication par Israël sur YouTube de la frappe contre la voiture transportant Djaâfari a été critiquée par certains internautes. « Le problème, c'est que si nous ne diffusons pas ça, un autre le fera. Comment peut-on supprimer tout ça ? », s'interrogeait récemment Eric Schmidt, le président de Google, lors d'un séminaire à Los Angeles. Facile, pour justifier un état de fait acquis, par avance, à l'agresseur. Un peu comme l'attitude de Twitter, dont la charte d'utilisation impose théoriquement des règles pour lutter contre « les menaces spécifiques et directes de violence ». D'aucuns ont vu dans la menace proférée sur le réseau social par Israël, après l'assassinat du chef militaire du Hamas, une possibilité pour Twitter de supprimer les comptes de l'armée israélienne, comme le pense Bernard Lamon. Mais ça paraît compliqué, selon lui, vu l'absence d'autorité judiciaire réellement compétente. « Quelle est l'autorité qui va dire que par rapport à la loi israélienne, ce contenu est illégal ? Probablement pas un juge israélien », juge-t-il. La fermeture de ce compte Twitter est donc très théorique. Un peu comme tout le reste qui ne fait que confirmer la dure réalité de la loi du plus fort, bien présente depuis des décennies, en dehors du réseau Internet.

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