Une entreprise est la plus petite entité économique par laquelle une économie puise les éléments de sa force, de sa diversité et de sa différence. C'est donc de la réussite des entreprises que dépend la réussite d'une économie et c'est de la multiplication des entreprises et de leur pérennisation que dépend la place qu'une économie peut occuper dans les espaces (régional et international). Dans les structures jacobines, on a souvent perdu de vue l'enjeu que représente l'entreprise, l'attention ayant été constamment focalisée sur des objectifs globaux de développement portés par des plans sur trois, quatre ou cinq ans. Cette vision globalisante a tendance à masquer les échecs autant que les succès qui surviennent au niveau des entreprises et l'on ne retient d'une expérience qui est un précieux terrain d'enseignements, que ses résultats d'ensemble, caractérisés soit par l'échec soit par le succès. Cela alors que l'échec ou le succès, malgré l'enjeu primordial qu'il représente en termes d'effet sur la collectivité, n'est pas aussi important que le processus lui-même, donné à voir comme une leçon et la scène d'un exercice économique dont les plus petits éléments sont les plus intéressants à considérer pour que leur validité ou, au contraire, leur non opérabilité, serve de référence pour inspirer des approches pertinentes en matière de développement économique. Il est vrai qu'en dehors des dispositions législatives, de l'aménagement d'un environnement administratif, fiscal et social propice à une vie économique, c'est l'entreprise qui est au cœur de tout autre effort à même de construire une économie viable et compétitive. Qu'est-ce qui fait donc la force d'une entreprise pour constituer, moyennant la démultiplication des entités selon le même principe, une vie économique qui jouit d'une certaine vitalité ? Pour répondre sommairement à cette question, l'on dira tout simplement que ce sont les normes de gestion les plus courantes auxquelles s'ajoutent d'autres normes que dictent les bouleversements qui surviennent, notamment ceux que nous imposent les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il reste que de tous temps, la gestion des ressources humaines a été primordiale et c'est sa prise en charge, il y a des décennies au sein des économies fortes, qui a fondé la réussite des plus grandes entreprises. Valoriser les cadres, sauver l'entreprise Le cadre algérien, au sein de l'entreprise économique nationale, qu'elle soit publique ou privée, n'est pas exploité à sa juste valeur pour des raisons évidentes de lourdeurs hiérarchiques et de bureaucratie, dont l'entreprise économique n'a rien à faire, mais qui sont là, tout de même, parce que le management interne et la gestion des ressources humaines n'ont pas été rationalisés de manière à évaluer, avant de les adopter, l'efficacité et même la fonctionnalité de certains modes de gestion. Dès sa prise de fonctions, le cadre algérien, souvent recruté sur la base d'un diplôme et non en fonction de compétences avérées et dûment identifiées, est placé à un bureau où, quotidiennement et durant peut-être des années, il ne sera évalué que sur sa présence physique et sur l'émission ou la production de documents administratifs. Combien sont-ils, au sein de ces entreprises, dont la routine annihile les meilleures volontés, et les contraintes de présence horaires tuent le plaisir du travail ? C'est qu'on n'a pas pensé le cadre algérien, dans la majorité des situations du moins, dans ses dimensions intellectuelle et créative, mais plutôt à travers son apport technique strictement. Ce qui est un choix de chefs d'entreprise à qui ces considérations de management moderne n'échappent pas, mais qui croient pouvoir assurer, par eux-mêmes, les fonctions intellectuelles et créatives, réduisant les cadres qu'ils recrutent et dont ils exigent une présence horaire inconditionnelle, à de simples exécutants. Pourtant, et s'il est vrai que les fonctions ingrates de routine et de continuité de service, installent l'entreprise économique dans une quotidienneté nécessaire à son fonctionnement, ce sont les capacités d'innovation, la créativité, l'intelligence en œuvre des cadres suffisamment motivés pour aimer leur entreprise, qui peuvent assurer la pérennité de celle-ci et lui faire faire, dans beaucoup de cas, des sauts qualitatifs remarquables. Un cadre qui s'ennuie, qu'on n'implique pas dans la décision et dans le processus d'innovation et à qui on exige un acte de présence sans plus, est soit un esprit qu'on assassine tous les jours, soit un précieux collaborateur potentiel, candidat au départ, prêt à toutes les alternatives pour quitter une entreprise qui, en définitive, ne mérite pas ses cadres ni ne promet des perspectives florissantes pour l'avenir. En fait, de telles entreprises continuent d'exister avec de telles options de gestion, car les conditions économiques ne sont pas encore suffisamment contraignantes pour imposer de nouvelles règles qui sont, sous d'autres cieux, d'ores et déjà anciennes, largement éprouvées dans leur efficacité et sans lesquelles, désormais, tout bon chef d'entreprise ne peut imaginer pouvoir s'imposer. Se mettre en posture d'intelligence économique Aborder la question de l'intelligence économique, c'est d'ores et déjà se situer en aval d'un processus de développement de l'entreprise où nous tenons pour acquises des étapes antérieures à cette préoccupation, à savoir le fait que l'entreprise a déjà dynamisé ses pôles de veilles stratégique et concurrentielle, et de recherche et développement. Mais, historiquement, nous ne sommes plus à l'heure de la question concernant l'intelligence économique. On n'en est plus à débattre de l'opportunité ou non d'introduire ce concept dans la gouvernance économique en Algérie. Quand on se penche sur l'outil qu'est l'intelligence économique, sa segmentation et ses préoccupations très concrètes, on comprend bien que les entreprises qui ont l'avantage d'avoir initié une veille stratégique au sein de leurs structures peuvent, sans peine, se pencher sur les autres éléments constitutifs de l'intelligence économique, alors que les managers qui ne l'ont jamais pratiquée n'ont besoin, en réalité, que d'une certaine ouverture d'esprit, le temps de découvrir à la fois la simplicité de l'approche, sa validité opératoire et la révolution qu'elle peut induire au sein de l'entreprise. Et malgré la complexité apparente du concept d'intelligence économique, dans sa pratique, il n'est que la structuration, dans l'entreprise, de ce qui pourrait effectivement habiter l'esprit d'un manager dont les perceptions sont actualisées. Structurer au sens de partager les mêmes préoccupations avec l'ensemble des cadres et des structures de l'entreprise, dans un cadre concerté et organisé, en matière de gestion des informations : celles qu'il faut recueillir, celles qu'il faut protéger et celles qu'il faut rechercher à la loupe. Cela en vue d'un objectif défini et d'une finalité opérationnelle qui permette à l'entreprise de survivre, de s'imposer, et de réussir. Comment engager la conception d'un produit quand on n'a pas une idée sur ce que fait la concurrence, comment faire de la prospective sur son marché quand on ne le connaît que peu et quand on n'a pas les données statistiques qui permettent de calculer le sens et le rythme de son évolution ? Ce sont là autant de question sur l'intelligence économique qui nous font nous rendre compte qu'elle est non seulement indispensable, mais que sans elle la gestion en entreprise est impensable. A travers les deux paramètres essentiels que sont la fonction RH et l'intelligence économique, on se rend compte à quel point le succès économique est tributaire de l'élément humain et de l'intelligence dont doit procéder sa juste valorisation et sa bonne mobilisation au service de l'entreprise, l'économie globale n'étant en définitive qu'un capital qu'on recueille grâce aux centaines de milliers de succès qu'hommes et femmes, motivés, passionnés, judicieusement employés, auront façonné pour leurs entreprises et, par ricochet, pour l'économie de leur pays.