Les cinq pays refusent globalement et dans le détail et le diktat des institutions de Breton-Woods (FMI et Banque mondiale) et l'unilatéralisme euro-américain. Avec l'érosion du dollar américain, la paralysie du projet européen, la montée de l'Asie et la faiblesse des Nations unies, on peut dire que le monde s'éloigne du « système post-Seconde Guerre mondiale » verrouillé par les Américains et les Européens affirme Paul Kennedy, un historien britannique. Deux questions se posent : le « barycentre » du monde va-t-il finir par se déplacer au Brics ? Comment va réagir l' « Euro-Amérique » ? Une chose est quasi sûre. Le bras de fer a commencé. 4.630 milliards de dollars, c'est le trésor des Brics, selon les chiffres fournis par Times of India qui publie le montant des réserves de change de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de la Russie et de l'Afrique du Sud qui a accueilli les 26 et 27 mars à Durban le 5e Sommet. Première décision prise par ces pays qui comptent faire, dans quelques années, contrepoids au G7 dont les membres peinent à surmonter leurs difficultés économiques chroniques : s'affranchir de la domination du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Comment ? En créant la « New Development Bank », une banque déjà annoncée au sommet de New Delhi en 2012. « Destinée à nos propres besoins en infrastructures qui sont considérables, environ 4.500 milliards de dollars ces cinq prochaines années, cette banque pourrait coopérer aussi avec les autres marchés émergents et les pays en développement à l'avenir » explique Jacob Zuma, le président sud-africain. Les « cinq » se sont donné rendez-vous en septembre prochain à Saint-Pétersbourg (Russie) pour s'entendre sur le montant que chacun est prêt à apporter au capital de départ qui devrait être, selon les études, de 50 milliards de dollars, la répartition des voix et ...un mécanisme d'intervention d'urgence de 100 milliards de dollars où ils vont mettre leurs réserves de change pour ....se protéger des retournements de la conjoncture. « Si le marché financier mondial subissait de nouveaux chocs, avec à la clé une raréfaction du crédit, nous obtiendrions du crédit auprès de notre plus important partenaire étranger, il n'y aurait donc pas d'interruption du commerce » explique le ministre de l'Economie brésilien, Guido Mantega. Selon Anton Siluanov, le ministre russe des Finances, les négociateurs travaillent sur un apport de la Chine pour 41 milliards de dollars, du Brésil, de la Russie et de l'Inde pour 18 milliards chacun et de 5 milliards pour l'Afrique du Sud. Cette banque, qui pourrait s'ouvrir plus tard à d'autres pays émergents, officialisera de fait ce que les cinq ont commencé il y a deux ans : le commerce en monnaies nationales (Rouble-Yuan, Yuan-Roupie, Roupie -Rouble, Réal-Yuan etc.). Et quand on réalise que le commerce entre les pays des Brics atteindra 500 milliards de $ en 2015, que leurs investissements vers d'autres pays sont passés de sept milliards de dollars en 2000 à 126 milliards en 2012, que les interventions de la BM et FMI, deux organisations dont les « plans d'ajustement structurel » ont laissé de mauvais souvenirs dans les mémoires et que cette banque permettrait d'éviter les crises analogues à celle de Chypre, selon des experts, il y a fort à parier que cette « idée » deviendra vite réalité... Comme pour compléter la mise en œuvre d'une architecture financière défendant la vision du Sud, les 5 pays planchent sur la faisabilité d'un mécanisme de réassurance commun, d'une agence de notation, d'un Brics Business Council regroupant les milieux d'affaires, une classification maison des universités etc. Un câble sous-marin permettant de transmettre des données à haut débit du Brésil à la Russie via l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine serait envisagé. Son coût ? 1,2 milliard de dollars.Deuxième décision prise au pays de Mandela : se donner une dimension politique. L'Onu reste l'unique instance qui peut décider des « affaires du monde » disent-ils. Selon eux, « il n'y a pas d'alternative à une solution négociée au problème du nucléaire iranien ». Idem pour la question syrienne. Les cinq qui ont transformé le projet du GMO, Grand-Moyen-Orient, en une vue de l'esprit, ont réaffirmé à Durban leur « opposition à toute militarisation supplémentaire du conflit ». Le Brésil et l'Afrique du Sud reposent la refonte du système des Nations unies. Ils demandent le statut de membre permanent au Conseil de sécurité. La Chine et la Russie qui souhaitent contrecarrer la stratégie américaine en Asie, qui vise à les « balkaniser » se frottent les mains. Le monde unipolaire redeviendra-t-il à nouveau devenir multipolaire grâce aux Brics. Si oui, le premier à le ressentir sera le continent africain, prochain moteur de la croissance mondiale. Les « cinq » pourraient y lancer un défi au monopole des Etats-Unis et de l'Europe.