Thème de cette rencontre qui coïncide avec le cinquantenaire de la fondation de l'OUA/UA : « la réconciliation nationale, facteur crucial de la sécurité, la stabilité et le développement durable en Afrique ». « Le traitement des causes profondes des conflits et la résorption de leurs séquelles revêtent la plus haute priorité », peut-on lire dans un aide-mémoire remis aux participants. Pour apporter aux crises et conflits qui rongent le continent des « solutions à la hauteur des aspirations des peuples à la paix, à la sécurité, à la stabilité et au développement », le document suggère aux Africains de « tirer parti » des « nombreuses expériences africaines de réconciliation nationale » qui ont abouti à des solutions durables. Une déclaration a été adoptée à la fin des travaux. Elle sera soumise à la 22e conférence de l'Union africaine prévue en janvier 2014. Medelci :« Une exigence impérieuse » « En se réunissant aujourd'hui à Alger sur le thème de la réconciliation nationale, notre Conseil illustre sa détermination à enrichir la démarche africaine de paix et de sécurité, dans ses interrelations avec la promotion des valeurs partagées de démocratie, de bonne gouvernance et de droits de l'Homme », déclare Mourad Medelci à l'ouverture des travaux. Tout en reconnaissant que des « progrès certains » ont été enregistrés, le ministre des Affaires étrangères admet que des défis demeurent à relever. Il cite entre autres, la consolidation de la paix post-conflits et la prévention de la récurrence des crises. Revenant sur le cas de l'Algérie, il dira que notre pays, qui a mis en échec une entreprise de subversion aux ramifications transnationales, a suivi plusieurs étapes. La première. Mise en place, par la loi sur la rahma du 25 février 1995, de mesures de clémence destinées, à travers le repentir, à réinsérer socialement les personnes abusées de bonne foi. « Cette démarche a permis de dégarnir les rangs des terroristes, de démanteler leurs réseaux de soutien et de reprendre le contrôle de leurs principaux sanctuaires », dit-il. La seconde. Adoption par référendum, en septembre 1999, de la loi sur la concorde civile. « Cette démarche a constitué, explique-t-il, une étape décisive du retour à la paix avec la repentance de plusieurs milliers de terroristes, la dissolution de groupes terroristes et à l'implosion et l'affaiblissement des autres ». La troisième. La réconciliation nationale qui a été érigée en exigence impérieuse dans le cadre du renouveau national. « Après avoir retrouvé la sécurité et la stabilité grâce aux acquis de la concorde civile, l'Algérie s'est attelée à rassembler tous ses enfants, à réhabiliter les valeurs algériennes millénaires de tolérance, de pardon et de solidarité pour construire l'avenir et se prémunir définitivement du fléau du terrorisme et de toute tentative de dérive extrémiste ». Plus loin, il dira : « grâce à cette démarche, l'Algérie a consolidé la paix, la sécurité et la stabilité, approfondi le processus démocratique et engagé d'ambitieux programmes de développement socio-économique ». « La réconciliation nationale a permis à l'Algérie de mettre en échec le terrorisme », conclut-il avant de donner la parole à ses homologues pour relater leurs « réconciliations » respectives pour permettre aux participants, lors des débats à huis clos, de « dégager » des éléments spécifiques à chaque situation nationale et des éléments communs et de « mobiliser » les acteurs africains au service des solutions durables et ce pour « tourner définitivement la page des déchirements fratricides » et « emprunter le chemin d'une coexistence pacifique, harmonieuse et porteuse d'avenir ». Ghebreyesus : « La réconciliation ne doit pas être dictée de l'étranger » « Instrument de prévention des conflits, moyen de solution des crises, véhicule d'actions pour la reconstruction post-conflit et la consolidation de la paix, la réconciliation est, en dépit des difficultés qu'elle peut susciter, un passage obligé vers la restauration et la consolidation de l'unité nationale dans les pays africains », indique Ramtane Lamamra, insistant sur le besoin de trouver un équilibre entre la recherche de la paix et l'impératif de la justice. « C'est la quête de cet équilibre qui a motivé la création en 2008 du groupe de haut niveau de l'UA sur le Darfour ». Selon le commissaire du CPS, « les pays véritablement réconciliés sont immunisés contre tout risque de rechute dans la violence », car « il est dur de faire accepter à la victime qu'elle doit pardonner et d'amener les auteurs de violence à reconnaître leurs actes ». Dans la foulée, Lamamra cite quelques expériences de réconciliation nationale en Afrique. « Chacune avait ses spécificités propres, mais toutes ont permis aux peuples concernés de jouir des bienfaits de la concorde et de s'engager sur la voie de la consolidation de l'unité nationale et vivre à l'abri de la peur et du besoin, dans un Etat de droit respectueux des droits de l'Homme », dit-il. Tedros Adhanom Ghebreyesus estime qu'« il n'y a pas un modèle de réconciliation nationale qui pourrait s'appliquer à tous les pays mais on ne peut lutter contre les conflits qui déchirent notre continent en faisant fi de la réconciliation. D'où la nécessité selon lui d'apprécier et de comprendre les expériences des autres » et de mener une « réflexion sérieuse » sur les moyens à même de promouvoir la paix et la sécurité et d'établir un équilibre entre la justice et la réconciliation nationale dans les pays où des violations des droits de l'Homme sont constatées. Selon Ghebreyesus, « l'UA ne ménagera aucun effort pour combler les lacunes enregistrées en termes de démocratie, de justice et de respect des droits de l'Homme qui portent atteinte aux démarches déjà entamées et, par conséquent, freiner toute intervention étrangère en Afrique » car « la réconciliation ne doit pas être dictée de l'étranger ». La réconciliation, meilleur moyen de régler les conflits Les représentants de l'ONU, de l'UE et de la Ligue arabe ont été unanimes à dire que la réconciliation nationale est le meilleur moyen » de régler les conflits qui déchirent certains pays dans le monde. « Elle est un élément vital dans la prévention des conflits et la construction de la paix. Sans confiance, toute paix réalisée est négative et la paix positive va au-delà du silence des armes pour aboutir à l'obligation de ne recourir qu'aux institutions du pays », déclare Jeffry Feltman, secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l'ONU. Selon lui, « l'exclusion est un facteur qui entraîne des conflits ». Pierre Vimont, de l'Union européenne, soutient lui aussi cette démarche. « L'UE est et sera toujours aux côtés de l'Union africaine », dit-il, proposant l'expertise et l'aide financière du Vieux continent. Samir Hosn, de la Ligue arabe, estime que « la réconciliation nationale constitue une expérience devant servir d'exemple au monde arabe ». « Le 3e sommet de l'UA-Ligue arabe, qui doit se tenir au Koweit prochainement, doit s'élargir à cette dimension », dit-il, car « sans coopération arabo-africaine, il ne saurait y avoir de stabilité. Ni dans le monde arabe ni dans le continent noir ». Lors des témoignages apportés par certains ministres, il ressort que la quasi-totalité des conflits avaient comme soubassement des « revendications identitaires ». Tous ont insisté sur un fait : « aucune réconciliation ne peut être dictée de l'étranger ou se faire sans la participation active des populations concernées ».