Ce n'est pas la première, et certainement pas la dernière fois, que le moteur de recherche Google est contraint de reconnaître une rupture de ses services sur le réseau Internet. A chaque fois, cela fait débat, tant la mainmise de ce géant s'étend sur l'ensemble des couches de la structure du réseau Internet, au point de lui prêter des parts d'audience à la limite monopolistiques. Cette fois, également, la panne n'est pas passée inaperçue, alors même qu'elle aurait dû l'être au regard de l'heure de sa survenue, 1h37 du matin, et donc de l'impact limité constaté sur le trafic Internet. Le site du quotidien Le Monde, www.lemonde.fr, qui estime que la panne « aurait en réalité eu des conséquences presque négligeables, ou tout au moins difficiles à mesurer », rapporte cet avis d'un expert travaillant pour le compte d'un distributeur international de contenus : « Généralement, une panne aussi grosse se traduit par une courbe qui descend graduellement, pas par un pic vertical. De plus, une minute, c'est très court, pas de quoi perturber autant le Web. Ça aurait sûrement été différent au bout de quinze minutes ou d'une heure. » Le site www.numérama.fr a suivi dans le détail cet épisode de panne technique survenue dans la nuit de vendredi à samedi, qui a vu Google faire « face à une interruption de service générale sur l'ensemble de ses produits ». Simultanément, ce sont seize applications qui ont été inaccessibles : Gmail, Google Agenda, Google Talk, Google Drive, Documents, Tableur, Présentations, Dessins, Sites, Groupes, la console d'administration, les services Postini, Analytics, Maps, Voice et Blogger. La firme a immédiatement réagi par des messages d'avertissement à ses utilisateurs, dont celui affiché pour les requêtes des usagers de la messagerie Gmail, que le site de numérama a reproduit : « Nous savons qu'un problème lié à Gmail concerne un grand nombre d'utilisateurs. Les utilisateurs concernés peuvent accéder à Gmail, mais voient des messages d'erreur s'afficher et/ou constatent d'autres comportements inattendus. Nous vous tiendrons informés d'ici 17/08/13 02:37 et nous vous indiquerons le délai attendu de résolution du problème. Notez que ce délai de résolution est une estimation et est susceptible de changer ». A peine quelques minutes plus tard, rapporte le même site, Google est revenu avec un nouveau message disant : « Le problème lié à Gmail devrait à présent être résolu. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension. Soyez assuré que la fiabilité du système constitue une priorité de Google : nous veillons à apporter des améliorations continues pour optimiser nos systèmes. » Sollicité par de nombreux médias pour avoir des explications sur ce bug, le géant de la navigation sur internet s'est confiné dans un silence maintenu à ce jour. A la lecture des nombreux écrits de presse consacrés au sujet, il est apparaît que cette panne aurait pu passer pour un épiphénomène sans conséquence, si une partie de la presse, notamment britannique, n'avait pas versé dans des analyses jugées hâtives, voire excessives par d'autres titres. Connu pour être une période de « vaches maigres » pour les rédactions des médias, généralement à court de sujets et d'inspiration, l'été est, en effet, propice à de tels traitements disproportionnés. Les premières interprétations ont pour origine la société anglaise GoSquared, spécialisée dans la mesure du trafic Web, qui est allée apparemment vite en besogne en affichant que « la panne de Google a entraîné une baisse de 40% du trafic global ». Pour cette plateforme de statistiques dont le texte est repris par le site de numérama.fr, « le trafic observé en temps réel par l'entreprise au niveau des pages vues a plongé de 40% en quelques instants ». Ceci étant, en soi, explique le site, « révélateur de la taille gigantesque que le groupe a atteinte ces dix dernières années. Google, en étendant sa présence partout, est devenu incontournable pour nombre d'internautes ». L'importance du trafic généré par le moteur de recherche est sans contexte de même que les retombées financières qu'il en tire ? Le quotidien économique français www.latribine.fr est même allé jusqu'à établir une répercussion budgétisée de cette panne en expliquant que « le trafic Web des Etats-Unis (plus de 45% des revenus publicitaires de Google) a donc été plus fortement impacté, tout comme les médias ! La panne aura été de courte durée mais son coût est estimé à 376.667 euros, soit 28 années de SMIC net ». Il est, en effet, connu que même si la plupart des services de Google sont offerts gratuitement, la société génère des revenus colossaux de la vente de publicité qu'elle monnaie à prix d'or en raison de ses scores d'audience. « Son dernier rapport semestriel, écrit le quotidien, montre qu'il a perçu 26,058 milliards de dollars (entre le 1er janvier et le 30 juin) pour ses publicités », avant de rappeler que « chaque minute, près de 700.000 recherches sont effectuées sur Google et plus de 25 heures de vidéos mises en ligne sur YouTube ». Sur la même lancée, le site www.futura-sciences.com reprend les termes d'une étude de la société américaine Deepfield pour conforter la puissance de Google, crédité par l'enquête de « 25% du trafic internet aux Etats-Unis, ce qui est plus que Facebook, Twitter et le service de vidéo à la demande en streaming Netflix cumulés ». Le site trouve une explication à cette position de leader dans « la galaxie des services si étendue » qui fait que pour une seule journée, en moyenne « 60% des terminaux du pays se connectent à ses serveurs ». Pour autant, l'impact de la récente panne des services de Google n'a-t-il pas été un peu trop exagéré ? Beaucoup ont souligné l'empressement des médias, notamment britanniques, à répercuter les analyses de la société anglaise sans avoir pris le temps de faire dans le discernement. Ils auraient été « les premiers à lire la prose de GoSquared », déplore le site www.zdnet.fr qui reprend l'exemple de Sky News qui a ouvert sa une avec ce titre : « Le trafic plonge de 40% » ainsi que Daily Mail pour lequel « le trafic Web global plonge de 40% ». Ainsi, le site d'information français est-il allé jusqu'à souligner que cette affaire est partie après qu'une « obscure officine londonienne spécialisée dans la mesure de performances de sites Web ait décidé de saisir cette opportunité pour faire un gros coup de buzz et booster sa notoriété ». Le site tente de remettre les faits dans le contexte, « en plein week-end de mi-août, les médias n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent, spécialement dans le secteur des technologies et de l'IT, et les journalistes de permanence dans les rédactions ne sont pas nécessairement les plus aguerris. » Ensuite, Pierre Col, blogueur pour le site ZDnet et directeur marketing de la société Antidot, sollicité par le site pour cette affaire, minimise l'importance de la société anglaise à l'origine de l'alerte qui, explique-t-il, a « mesuré seulement sur les sites Web clients de GoSquared, qui n'est pas à ma connaissance l'un des principaux acteurs de son secteur : l'analyse est donc faite sur un petit échantillon de sites web, principalement anglo-saxons, ce qui n'est pas représentatif de grand-chose dès lors que l'on prétend en tirer des conclusions sur le trafic global. » Le même expert s'est confié aussi sur les colonnes du quotidien français Le Figaro pour pointer, cette fois-ci, l'amalgame entretenu par la société anglaise entre le trafic sur le Web et celui sur internet : « Le Web fait partie d'Internet, souligne-t-il, mais l'Internet comporte aussi d'autres protocoles comme les transferts d'emails, les transferts de fichiers par FTP ou peer-to-peer, le streaming, la voix sur IP, certaines applications mobiles ... ». Et l'expert français d'emprunter la métaphore suivante : « Faire la confusion entre baisse du trafic Web et baisse du trafic Internet reviendrait à dire que la vente des fruits et légumes a baissé de 40% dans le monde, alors que seule la vente des tomates est concernée par une telle baisse. » Tout en essayant de réduire à leur juste mesure les impacts supposés sur les usages des services de Google, observateurs et journalistes reconnaissent la pertinence de cet épisode comme « une illustration de la dépendance de plus en plus grande des sites Internet occidentaux vis-à-vis de Google ». Pour Pierre Col, sur les colonnes du Figaro, « de moins en moins de gens écrivent l'adresse complète du site qu'ils souhaitent consulter, comme www.lefigaro.fr, dans la barre d'URL. Ils se contentent de mettre Figaro, et leur barre d'URL, intelligente, va faire directement la recherche. Ce type de service passe souvent par Google. Il suffit que Google soit en panne pour que ça ne marche plus ».