Un festival marqué par une participation de nombreuses formations étrangères. Neuf pays en plus de l'Algérie ont ainsi répondu à l'appel. Organisé sous la houlette du ministère de la Culture, le festival a été une réussite sur tous les plans, même si on a remarqué la présence plutôt timide du public durant quelques soirées. Techniquement, c'est un bilan positif, estime le directeur de la culture de la wilaya de Constantine et commissaire du festival, Djamel Foughali : « Grosso modo, je dirais que nous sommes en train de corriger nos erreurs d'année en année. La présence du public et des médias notamment arabes me fait plaisir. Nous travaillons pour promouvoir la ville et son héritage culturel, et ce genre de manifestation est une aubaine pour nous, pour préparer l'année 2015. » Et il faut dire que les Constantinois ont été gâtés. Car, outre les orchestres nationaux (on pense surtout au passage de l'association El Maghdiria, de Mascara, lauréate du deuxième prix du Festival national du malouf ou encore l'orchestre national de musique andalouse qui regroupe les meilleurs talents des écoles de Constantine, Alger et Tlemcen), le genre oriental a été à l'honneur cette année et de quelle manière ! L'entrée en scène de la chanteuse égyptienne Riham Abdelhakim, accompagnée d'un virtuose du Qânun, Saber Abdesetar, durant la sixième soirée, a marqué les esprits, la jeune Riham a magnifiquement repris des classiques d'Oum Kalthoum avant de s'essayer - pour la première fois - au genre andalou en interprétant des textes du poète Fouad Abdelmadjid. Durant cette même soirée de jeudi, les organisateurs ont rendu hommage au grand maître de la musique malouf Hamou Fergani, grand-père de Hadj Mohamed Fergani. Ce dernier, comme à son habitude, a interprété un délicieux istikhbar que le public a longuement applaudi. Autre grand moment du festival est la prestation de la troupe espagnole Jako el Muzikante, la veille, mercredi. Deux heures de bonheur pour le chanteur Xurxo Fernandes et son orchestre (cinq musiciens) qui nous renvoient à une époque lointaine, de la grande Andalousie et Constantinople. Internationalisation du malouf : un débat qui passionne Par ailleurs, le débat autour de l'appellation du festival reste passionné parfois même orageux, les arguments des uns et des autres révèlent en tout cas à quel point le malouf reste un style musical complexe. L'internalisation ou l'ouverture du malouf aux autres genres de musique est essentielle à sa survie, estiment certains ; d'autres préconisent plutôt un retour aux fondements de cette musique ancestrale qui a ses racines, ses rites, ses instruments, ses chouyoukh et son public. Ainsi pour Djamel Foughali, les sept soirées ont dévoilé au public d'autres horizons, des surprises et des découvertes de musiques proches du malouf. Un festival qui contribue à décomplexer ce style. « C'est avant tout un carrefour de tous les genres des musiques arabo-andalouses, les gens doivent comprendre que la matrice réelle du malouf vient d'un voyage dans le temps de l'Orient jusqu'au Nord du Maghreb puis l'Andalousie. Nous avons voulu expliquer tout ce cheminement du malouf - qui s'est installé durablement à Constantine - à travers la participation de ces artistes venus de pays amis. Le public était ravi d'assister à ce festival, et cette année encore, nous avons ouvert la porte aux chanteurs et musiciens malouf qui ont participé à ce festival international et ce, à travers toutes les communes. Nous avons réussi à assembler tout ce beau monde, la preuve avec l'Orchestre national andalous (les trois écoles Tlemcen, Alger et Constantine), l'orchestre régional avec 30 artistes, en plus de quatre artistes de l'Est de différents âges et styles. Et plus de ces troupes locales, neuf pays sont représentés dont l'Espagne et la Turquie. Nous sommes heureux d'avoir consulté des spécialistes pour nous parler des chouyoukh durant toutes les soirées. Pour ce qui est du grand maître Hassouna Ali-Khodja, nous lui avons rendu hommage en lui dédiant ce festival, et tout cela pour que la nouvelle génération n'oublie pas tous ces grands noms qui ont façonné la musique classique algérienne », nous explique M. Foughali. De son côté, Zouaoui Benkartoussa, frère du maître Abdelhamid Benkartoussa à qui on a rendu hommage, ce festival ne conserve aucune trace du malouf, n'était le passage des orchestres nationaux. Pour ce puriste passionné de malouf, l'appellation même du festival pose problème : « Ces troupes syriennes ou irakiennes n'ont rien à voir avec le malouf. Un grand artiste tunisien m'avait dit un jour : ‘‘Vous avez encore la chance d'avoir le malouf chez vous, cette expression authentique de la musique classique est un trésor.'' Les Arabes sont à la traîne, beaucoup d'artistes ont calqué la musique classique européenne, certes il y a un côté unificateur dans ce festival, l'intention est bonne, mais le fait d'introduire de la musique orientale ou moderne tue le malouf. On risque de le perdre et heureusement que la nouvelle génération est là et est bien encadrée grâce aux différentes écoles. Les anciens ont sauvé le malouf à une époque difficile. Pour le moderniser, on peut introduire certains aspects, mais l'évolution est difficile. Il y a une antinomie mais si c'est pour la bonne cause, ce n'est pas grave. La diversité, c'est la richesse, c'est une bonne chose à condition de respecter certaines règles. La chanson Dalma par exemple a plusieurs versions, celle de Belamri, Fergani ou Raymond. »