La dernière sortie médiatique du premier responsable du secteur, Abdelmalek Boudiaf, qui a affiché son intention de mettre fin à cette activité qui s'exerce, selon lui, dans l'anarchie et sans aucun respect de la déontologie, a été saluée par certains professionnels. Leurs représentants au sein des syndicats ont souvent dénoncé cette pratique illégale qui pénalise et prive souvent les malades dans les hôpitaux d'une prise en charge correcte. Car avec la prolifération des cliniques privées, l'activité complémentaire est devenue un sport pratiqué par une bonne partie du personnel du secteur de la santé. Au point où certains services de CHU et d'hôpitaux sont presque vides à certaines heures de la journée. Pourtant, la loi est claire dans ce sens. Elle n'autorise que les médecins spécialistes à intervenir, une fois par semaine, dans le secteur privé. Il faut le dire, c'est la première fois que le ministère de la Santé se penche sérieusement sur la question de l'activité complémentaire dans le but d'y mettre fin afin de valoriser et consolider la nouvelle orientation politique du gouvernement qui prône un meilleur service public. Mais pour les spécialistes de la profession, la suppression de cette activité est difficile à réaliser devant un conseil de l'ordre qui n'a pas toutes les prérogatives et une administration défaillante. « On n'a pas les moyens d'appliquer cette décision pour mettre fin à cette saignée qu'on a dénoncée il y a 15 ans. Mais le ministère peut geler cette activité en attendant qu'elle soit abrogée complètement. Seulement, il ne faut surtout pas négliger les prérogatives du conseil de l'ordre car c'est sur lui que repose l'application de l'interdiction de l'activité complémentaire », explique le Dr Yousfi, spécialiste en infectiologie et président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP). En attendant, « la situation dans les hôpitaux s'est aggravée. C'est pratiquement tout le monde qui pratique l'activité complémentaire ». Orienter le malade vers le privé « C'est devenu une nécessité, même pour certains professionnels de la santé pour gagner plus d'argent au détriment de la santé et de la prise en charge du malade dans les hôpitaux publics », dénonce-t-il. Certains médecins n'hésitent pas à orienter le malade vers des cliniques privées pour des opérations chirurgicales avec comme argument le manque de moyens dans les hôpitaux publics. Pire, « on propose même de réaliser des opérations chirurgicales au sein des hôpitaux publics moyennant de l'argent », affirme le Dr Yousfi. Selon lui, cette décision de mettre fin à cette pratique ne fait que réconforter la position de l'intersyndicale du secteur de la santé qui a de tout temps tiré la sonnette d'alarme face à cette dérive. « Celui qui veut gagner de l'argent n'a qu'à opter pour le privé. Mais vouloir avoir l'avantage du public et du privé, ça n'existe nullement ailleurs dans le monde », fait-il savoir. Pour sa part, le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), l'intersyndicale de la santé, dit se réjouir de cette décision. « Cette mesure permettra surtout d'identifier la responsabilité de chacun. Je pense aussi que cette pratique s'est installée, surtout avec l'instabilité que connaît le secteur de la santé où les ministres se succèdent chaque année », note-t-il. Face à ces « dérives », le ministère de la Santé compte mettre le holà. Et pour cause, « il faut savoir que les conditions qui ont présidé à la mise en place de l'activité complémentaire en 1978 ne sont plus les mêmes. A l'époque, l'Etat algérien connaissait des difficultés financières et ne pouvait pas accorder des augmentations salariales aux différents médecins et spécialistes du secteur. Aujourd'hui, les conditions ont changé. Le personnel du secteur de la santé touche une rémunération plus que décente depuis la mise en place du nouveau statut particulier en 2008 », tient à rappeler le responsable du département de la communication au ministère de la Santé, Slim Belkessam. Sentence : la tutelle estime nécessaire de « revisiter » la politique de l'activité complémentaire en prenant en considération un certain nombre de critères, notamment l'amélioration de la rémunération du personnel de la santé, le développement du secteur privé qui nécessite une plus grande sécurisation dans la prise en charge des malades et, bien sûr, la nécessaire mise en place de mécanismes de performance dans les établissements hospitaliers. L'abrogation : « Une incitation au travail clandestin » Cependant, le porte-parole du Syndicat national des professeurs et docents en sciences médicales (SNPDSM), le Pr Djidjelli, n'approuve pas l'abrogation de l'activité complémentaire. Pour lui, il faut la maintenir en renforçant la réglementation car cette activité existe partout dans le monde et l'Algérie ne devrait pas être une exception. « Sur le fond, nous ne sommes pas d'accord parce que le ministère doit consulter le partenaire social sur cette question où nous avons notre mot à dire en tant que syndicat. Sur la forme, l'abrogation de l'activité complémentaire ne changera rien au problème de cette pratique exercée par 80% du personnel de la santé. Elle va au contraire réconforter davantage le personnel qui travaille dans le noir et va encore pénaliser les 20% du personnel qui activent régulièrement et réglementairement dans les hôpitaux », estime le Pr Djidjelli qui accuse, en premier lieu, l'administration du secteur sanitaire de passivité dans l'application du règlement. Aussi, il recommande le maintien de l'activité complémentaire mais uniquement le week-end ou les jours fériés. « C'est la meilleure solution pour mettre fin à cette pratique, mais à condition que l'administration soit rigoureuse dans l'application du règlement », souligne-t-il. D'autres professionnels abondent dans le même sens en préconisant de lier l'autorisation de l'activité complémentaire aux résultats de l'évaluation des services et des chefs de service dans les hôpitaux.