« Le plus jeune pays du monde et sans aucun doute l'une des démocraties les plus fragiles est en danger d'éclatement », déclare Linda Thomas-Greenfield, la secrétaire d'Etat adjointe pour l'Afrique, en exposant devant la commission des affaires étrangères du Sénat la « tragédie » subie par le pays, bien éloignée de « l'avenir pour lequel le peuple avait voté » il y a trois ans. Et pour la première fois depuis trois semaines de pressions sur les deux belligérants, elle prend de facto parti pour un camp : « nous n'avons pas vu de preuve d'une tentative de coup d'Etat » en mi-décembre, comme l'affirme Salva Kiir, le président sud-soudanais, dit-elle. Cette prise de position conforte Riek Machar, l'ancien vice-président, qui accuse M. Kiir de vouloir l'éliminer en lui faisant porter la responsabilité d'un « complot avorté ». Autre coup de pouce au camp Machar : Susan Rice, la conseillère nationale à la Sécurité de Barack Obama, et Thomas-Greenfield exigent la libération « immédiate » des onze responsables du SPLM, le Mouvement populaire de libération du Soudan. Détenus depuis décembre à Juba, ces hommes sont des poids lourds du parti au pouvoir et sont opposés au président Kiir. Washington veut que ces « politiques » participent aux négociations de paix qui se tiennent depuis mardi à Addis-Abeba. Susan Rice rappelle une évidence. « Chaque jour qui passe fait croître le risque d'une guerre civile totale, au moment où les tensions ethniques augmentent entre les Dinka de Salva Kiir et les Nuer de Riek Machar ». L'ONU a promis déjà d'enquêter sur les massacres, les viols et les meurtres à caractère ethnique. Kiir, qui voit la menace américaine, a proposé, mercredi, de transférer les discussions de paix sur le site des Nations unies à Juba, la capitale du Soudan du Sud, et ce pour permettre aux onze détenus de participer aux négociations dans la journée tout en retournant en prison le soir. Machar rejette cette proposition. Pour couper la poire en deux, la conseillère de Barack Obama demande à Salva Kiir de libérer les détenus immédiatement sous la garde de l'Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement). Dans la capitale éthiopienne, les pourparlers sont au point mort. Riek Machar exige au préalable la libération de ses « proches ». Salva Kiir, qui a reçu, lundi dernier, le soutien de Omar el-Béchir, son homologue du Nord, refuse. Sur le terrain, les combats ont repris autour de la ville de Bor et dans le nord du pays. L'armée avance sur Bentiu dans l'Etat de l'Unité et les rebelles, qui envisagent de lancer une offensive sur la capitale, chargent l'Ouganda qui soutiendrait militairement le gouvernement, notamment grâce à quatre appareils militaires qui auraient bombardé et tué des civils dans trois zones du pays. Washington, qui envisage de fournir une aide militaire à l'Ouganda, l'Ethiopie et au Kenya pour rétablir l'ordre, exhorte les deux parties à signer « immédiatement » l'accord de cessez-le-feu qui leur a été présenté par l'Igad et ce pour mettre fin à un conflit qui a déjà fait plus de 1.000 morts et plus de 230 000 déplacés. Les observateurs craignent que ce différend entre les deux responsables sud soudanais ne dégénère en un conflit ethnique entre Dinkas et Nuers et ne permette un refuge pour des groupes extrémistes.