Photos : Fouad S. Qui aurait pensé qu'un jour, sur le magnifique quai du vieux port de pêche de Bouharoun, on vendrait du poisson décongelé ? L'idée aurait été impensable. Aujourd'hui, elle est bel et bien matérialisée par une majorité de jeunes vendeurs de poisson dégivré. En cette période où la pêche est fermée depuis le mois de mai jusqu'à la fin août, les pêcheurs et armateurs qui ne sont pas nombreux sur le quai crient au scandale et au danger que peuvent provoquer ses revendeurs de poisson congelé. Pourtant, dans ce port, géré par l'entreprise de gestion de ports de pêche (EGPP), tout semble paisible. A l'entrée, les agents de sécurité de l'EGPP invitent les automobilistes à payer 50 DA de droit d'accès et de stationnement. Le quai est trempé par les jets successifs que les poissonniers lancent sur leurs cageots de poisson. «La crevette et l'espadon sont les seuls poissons frais en cette période, le reste c'est du congelé dégivré», dira un pêcheur armateur à un couple accompagné de ses enfants. « Et votre poisson, c'est du frais ? », interroge le client. Réponse du marchand : « bien sûr ». « Et vous voulez que j'en achèt ? », rétorque le client. « Non. Je vous ai conseillé parce que je ne veux que pas que ces enfants en soient victimes », réplique le vendeur qui avoue que souvent les gens ne prennent pas au sérieux son conseil. A peine notre visite entamée que l'information de notre présence s'est ébruitée. Certains poissonniers affichent clairement leur mécontentement face à notre présence. Equipés de parasol pour se protéger du soleil, une vingtaine de revendeurs étale toute sorte de produits de la mer : crevette, merlan, sole, calamar et bien d'autres types de poissons décongelés qui se vendent au prix du frais. Ces poissons sont ramenés en toute discrétion dans des seaux. Et pour leur donner un semblant de fraîcheur certains vendeurs les arrosent constamment avec de l'eau de mer provenant des eaux mazoutées du port. « Ils vendent comme ils veulent et au prix qu'ils veulent. Et si un client marchande, il obtiendra un kilo de merlan à 500 ou 700 DA, chose qui est anormale pour ce poisson dont le prix surtout au mois de Ramadhan ne descend pas au-dessous des 1000 DA. Mais si le client achète directement, sans négocier le prix, les revendeurs appliquent sans sourciller les prix du poisson frais afin de ne pas s'attirer la suspicion sur la qualité de leurs produits», explique Salah qui enrage contre l'absence de contrôle. « Ça ne peut plus durer. C'est un massacre et pour le consommateur et pour nous les pêcheurs, car on n'arrive plus à vendre notre marchandise du fait qu'ils cassent les prix », soutient-il. SEULES LES FORCES DE SÉCURITÉ… Alors que nous nous approchons d'un poissonnier pour évoquer la qualité de son produit, il nous lance : « Ce n'est pas a vendre. Allez chercher ailleurs. Pour Azzedine Zinat, chef de département de l'EGPP, des décisions ont été prises au cours de plusieurs réunions qui ont regroupé le chef de daïra, le P/APC, les représentants des poissonniers et ceux de la sécurité pour empêcher tout accès au port à ses vendeurs de poissons et à ceux qui activent sans registre de commerce. «Nous attendons la concrétisation de cette décision. Pour l'instant, j'ai fait des rapports au maire et au chef de daïra ainsi qu'au ministère de la pêche où nous avons exposé la situation », affirme-t-il. Sans plus. Car « il m'est impossible d'interdire à ces revendeurs de pénétrer dans le port pour vendre leur poisson. Il me faut l'assistance des services de sécurité. Ces jeunes sont capables de tout », argumente le responsable de l'EGPP qui rappelle qu'il y a deux ans, il a fallu l'intervention de la gendarmerie qui a déployé pendant deux mois ses hommes dans le port pour empêcher ces vendeurs d'étaler leur marchandise douteuse dans le port. Il précise aussi que son entreprise a consacré plus de 300 millions de centimes pour sécuriser le port, notamment en y réalisant deux accès. « Tout ces travaux n'ont pas suffi à dissuader ces jeunes ». Alors M. Zinat compte sur l'ouverture prochaine de la poissonnerie de la commune qui se trouve en dehors de l'enceinte portuaire « pour que le problème soit peut-être réglé ». M. Zinat se rappelle, il y a deux années de cela, où ses jeunes font leurs diktat dans le port comme aujourd'hui, qu'après l'intervention de la gendarmerie et est restée dans le port pendant plus d'un mois pour interdir l'accès a ces revendeurs dont certains n'ont jamais péché un poisson.