Aujourd'hui, les jeunes apprentis quittent les ateliers après une courte expérience, en dépit des efforts de l'Etat - des centaines de jeunes sont formés chaque année - et des menuisiers expérimentés qui n'hésitent pas, dans beaucoup de cas, à assurer à leurs apprentis une formation de qualité. Un manque de main d'œuvre qui a eu de lourdes conséquences sur ces petits chefs d'entreprise, au point que beaucoup ont dû changer d'activité. « Nous avons de plus en plus de mal à trouver des apprentis et de les convaincre de travailler dans la durée. Pourtant, dès que le stagiaire débute, il est payé 20.000 DA en plus de l'assurance. Au fil des mois, son salaire peut doubler s'il montre de réelles compétences. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Les jeunes que nous recrutons quittent l'atelier au bout de quelques mois, la plupart tentent alors de monter leurs propres entreprises avec les prêts Ansej. C'est arrivé à un collègue propriétaire d'un atelier à la cité Meziane. Ses trois employés l'ont quitté du jour au lendemain. Ils ont monté une entreprise dans le cadre de l'Ansej qui n'a rien à voir avec la menuiserie. Moi-même je n'arrive toujours pas à embaucher ne serait-ce qu'un seul employé » regrette Azouz, 38 ans, menuisier. Lui et son jeune frère Hakim exploitent un atelier situé à l'avenue Kitouni qu'ils ont hérité de leur père. Tous les deux ont un carnet de commande assez plein et tentent plus ou moins de satisfaire leurs clients. Azouz nous avoue que souvent il se retrouve dans une situation embarrassante : « A la différence des produits importés et finis, nous proposons un large catalogue aux clients, nous sommes capables de tout réaliser et nos prix sont plus attractifs. Mais je ne vous cache pas que tout cela prend beaucoup de temps parce que nous ne sommes que deux. Heureusement que nos clients comprennent notre situation. » Face à une clientèle de plus en plus regardante sur la qualité et les prix, la menuiserie artisanale a pourtant de beaux jours devant elle, preuve en est la commune de Hamma Bouziane – à 12 km de Constantine - où se concentrent une trentaine de menuisiers qui, après quelques années, ont acquis une solide réputation. Azouz ne craint pas la concurrence des fournisseurs et des magasins de meubles car, selon lui, les clients deviennent de plus en plus méfiants : « La qualité du bois des meubles vendus dans les plupart des magasins est souvent médiocre. Chaque jour des clients viennent m'apporter un lit, une coiffeuse ou une banquette pour réparation. Ces meubles sont fabriqués avec un bois MDF de mauvaise qualité, de Chine. Ce que nous proposons est totalement différent. Le client choisit d'abord le modèle puis le bois. Nous avons toute une variété. Le bois rouge du Nord est le plus prisé même s'il est un peu cher. Une chambre à coucher complète avec un lit de deux places, une grande armoire, une coiffeuse et deux tables de chevet sont proposés à partir de 60.000 DA. Si les clients le souhaitent, nous leur proposons un bois de qualité avec une finition impeccable, tout cela à partir de 100.000 DA. La même chambre importée de Malaisie avec un bois de mauvaise qualité est vendue dans les commerces à plus de 150.000 DA. » Azouz, qui tient plus que jamais à son atelier, espère trouver un jour la perle rare, un ou deux jeunes apprentis. Il nous dit qu'il est prêt à leur offrir les meilleurs avantages.