Les manifestations, qui auront ébranlé plusieurs villes d'Algérie, plus particulièrement Alger, le 11 décembre 1960, et bien avant, resteront dans la mémoire collective comme étant un moment décisif dans le dénouement de la guerre en traçant la voie de l'indépendance. L'engagement massif des populations autour de cet suprême aura convaincu le général De Gaulle, notent les historiens, d'accélérer le processus de décolonisation. De retour au pouvoir en France, le général avait déjà reconnu aux Algériens le droit à l'autodétermination mais il ne fallait pas que ce droit subisse l'influence du lobby colonial, attaché à ses privilèges extorqués durant plus d'un siècle d'oppression à des millions d'Algériens. De Gaulle avait, en effet, essayé de jouer sur deux fronts, l'utilisation des moyens répressifs comme on le voit avec le vote des pouvoirs spéciaux, le rappel de plusieurs contingents de réservistes, tout en cherchant une troisième voie. Mais il faut reconnaître qu'après la Bataille d'Alger, la résistance n'a point cessé, et le peuple montrera lors des manifestations du 11 Décembre qu'il reste mobilisé et qu'il n'a pas l'intention d'abdiquer. En ce 11 décembre, la rue gronde et après un accueil mitigé de De Gaulle à Aïn Témouchent, à l'ouest du pays, le spectre de la fronde se déplace au centre. 9h. Les habitants d'Alger descendent dans la rue, de Belcourt, à El Madania, bravant la mort et criant « Vive le FLN », « Le FLN vaincra », « Algérie musulmane », « Indépendance »... Des manifestations pacifiques que les autorités répriment par le crépitement des armes. Les militaires reçoivent l'ordre de tirer sur les manifestants, des jeunes mais aussi des femmes et des enfants. Le bilan est lourd : 55 Algériens sont tués lors de la seule journée du 11 décembre et 112 (dont 85 à Alger), durant les journées qui ont suivi, sans compter les centaines de blessés, selon des évaluations officielles françaises. Ce sacrifice n'aura pas été vain ; il est la continuité de longues années de résistance à la colonisation et de lutte pour l'indépendance. Les manifestations interviennent alors que l'opinion publique mondiale avait les yeux braqués sur les « événements d'Algérie », à travers le grand débat qui est consacré à l'Algérie à l'ONU et des négociations en cours avec le gouvernement français sur l'indépendance. Il s'agit-là, observe-t-on, d'un « véritable référendum populaire » pour l'indépendance de l'Algérie. De Belcourt à La Casbah, le slogan était le même Selon des publications de la Fondation de la Wilaya IV historique et contrairement à certains écrits qui laissaient entendre que ces manifestations n'étaient pas menées par le FLN, il apparaît que ce dernier était « au cœur de la bataille » et tentait ainsi d'opposer au slogan de De Gaulle, « L'Algérie algérienne » et celui des colons « L'Algérie française », celle de tous les Algériens, « Algérie musulmane » qui finira par triompher. De Belcourt à El Harrach, en passant par Bir Mourad Raïs et La Casbah, le slogan était le même et les manifestants arboraient l'emblème national. « Et les cris des populations de Belcourt et de La Casbah finiront par résonner à Manhattan », siège de l'ONU, comme le soulignent des historiens paraphrasant un haut responsable de la Révolution. La répression était comme, en mai 1945, brutale, et le président du GPRA, Ferhat Abbas, profita de l'occasion pour lancer un appel, le 16 décembre, où il dénonça énergiquement cette brutalité criminelle de l'armée française à l'encontre des populations civiles. Selon les observateurs, les manifestations du 11 Décembre 1960 auront eu l'effet d'un « référendum populaire » sur la question de l'autodétermination du peuple algérien dont se feront l'écho l'opinion publique internationale, y compris française. Elles accélèreront le débat à l'ONU où l'Assemblée générale votera, une semaine après, à l'occasion de sa 15e session une résolution « très forte » reconnaissant le droit à l'autodétermination et à l'indépendance du peuple algérien et reconnaissant la nécessité d'entamer des négociations pour trouver une solution pacifique au conflit sur la base de l'intégrité territoriale.