La journée du 5 Juillet, qui rappelle l'indépendance de l'Algérie qui s'est libérée en 1962, au prix du sacrifice de ses millions d'enfants, peu d'entre nous l'aura vécue avec intensité et même connue. Elle demeure pourtant inscrite dans les mémoires. Fêtée en même temps que la fête de la Jeunesse, elle est un symbole de la souveraineté chèrement reconquise et l'expression d'une vitalité et d'espoirs tendue vers le futur. L'enracinement dans le passé rejoint l'élan des jeunes qui ont fêté cette date dans la joie et la bonne humeur. Ne sont-ils pas en droit de commémorer ainsi le 5 Juillet qui a permis de renouer avec la liberté qui n'est pas qu'un concept politique ? Ils sont aussi de moins en moins nombreux celles et ceux qui ont vécu l'indescriptible allégresse que décrivent avec émotion et nostalgie nos aînés. Ce jour-là, les villes et les douars ont explosé de joie comme si une lave de sentiments trop longtemps contenus s'est déversée en un torrent. Femmes, hommes et enfants ont pris d'assaut les rues et les places publiques pour manifester avec exubérance leur joie. Les photos, les images de l'époque ont gardé cette fraîcheur des regards à la vitalité incendiaire et des cœurs à la pureté quasi légendaire. Un pays venait de naître devant les yeux admiratifs du monde. Plus d'un demi-siècle est passé et l'Algérie, hormis peut-être lors du premier festival panafricain de 1969 et la victoire d'Oum Dormane, n'a jamais retrouvé une semblable folle ambiance. Le temps, qui a fini par reléguer le 5 Juillet dans les marges de l'histoire, n'en fait pas pourtant une banale date simplement chômée et payée. Martyrs ressuscités C'est que le 5 Juillet est un symbole. Il efface d'un trait le traité de capitulation paraphé par le dey Hussein, acte qui consacra le même jour de l'an 1830 l'occupation et son cortège de dénis. C'est aussi et avant tout l'aboutissement d'un long combat qui n'a pas cessé tout au long des 132 ans de présence coloniale qui avait privé les Algériens de leurs droits élémentaires en édictant l'inique code de l'indigénat. Ce sont l'Emir Abdelkader, Lalla Fatma Nsoumeur, Boubaghla, Cheikh Aheddad, Bouamama, les milliers de martyrs du 8 Mai 45 et de la guerre de libération, qui furent ressuscités. Le colonialisme fut aussi une vaste œuvre d'exploitation des richesses de son sol où les autochtones étaient réduits à une condition infra- humaine. Ceux qui ont clamé ce jour leur bruyante joie, dans un pays où des dissensions apparurent vite dans les rangs des libérateurs, savaient surtout à quoi eux et leurs enfants ont échappé. Une nouvelle page s'ouvrait et tous les espoirs étaient alors permis. Il suffisait, croyait-on, d'être indépendant et de voir flotter le drapeau national sur les frontons des institutions. On entretenait les rêves les plus fous. La dignité et la fraternité n'étaient pas alors des termes démonétisés. Aujourd'hui l'Algérie est indépendante, le rêve de générations entières s'est réalisé. Le pays a depuis connu des hauts et des bas, mais les difficultés sociales et surtout les bourrasques du terrorisme ne l'ont pas fait fléchir. L'Etat, les publications de chercheurs et les actions de la société civile cultivent cette mémoire inscrite dans les gènes. Rarement comme ces dernières années les Algériens ne se sont mis à autant lire et écrire leur histoire avec ses chapitres de gloires et ceux qui le sont moins. L'amnésie ramollit les consciences et affaiblit les volontés. Dans le passé, ils puisent encore des forces, des exemples. Comme tant d'autres dates liées à cette épopée qui a permis la renaissance de l'Algérie, le 5 Juillet interpelle encore les consciences ramollies.