Chaib reçoit une délégation du Groupe d'amitié parlementaire Mauritanie-Algérie    Le ministre de la Justice s'entretient avec le président de l'Université arabe Naif des sciences sécuritaires    Sadi insiste, depuis Khenchela, sur la nécessité d'impulser le sport scolaire et universitaire    Futsal/ préparation : l'équipe nationale achève son stage à Fouka    Douze agents exerçant auprès de l'Ambassade et des Consulats de France en Algérie déclarés persona non grata    Forum scientifique sur la migration : la lutte contre la migration clandestine requiert une action collective et une synergie des efforts    Rencontre du président de la République avec les opérateurs économiques : des décisions qui renforcent la place de l'investissement productif dans l'édification d'une économie forte    Attaf s'entretient à Addis-Abeba avec son homologue burundais    La Fondation des Chaamba dénonce la position du Gouvernement malien de transition contre l'Algérie    Illizi : aide financière de la Sonatrach à des associations et clubs sportifs locaux    Pluies orageuses sur des wilayas de l'Est jusqu'à lundi    Installation de l'équipe technique chargée d'élaborer la nouvelle nomenclature de la formation professionnelle    Des campagnes de sensibilisation aux risques du mauvais usage du gaz naturel    L'Algérie participe à New York aux travaux du Forum des jeunes de l'ECOSOC    Réunion du comité de pilotage du projet de coopération entre le ministère de la Jeunesse et le PNUD    Biskra: coup d'envoi du Festival culturel international de la poésie arabe classique    «Pour l'Algérie, c'est le moment idéal pour négocier un accord avec l'empire américain, qui est désormais en position de faiblesse»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue impliquant le Maroc    Vers l'installation d'un comité technique restreint, chargé de déterminer la répartition des quotas    2025, l'année de la réussite de l'Algérie    Apanage des seules élites algériennes francophiles    Pourquoi a-t-il choisi l'Algérie et non pas...?    La JSK perd deux précieux points sur son terrain    Ballalou dévoile les sites culturels et naturels proposés pour inscription    Projection en avant-première du film d'animation "Touyour Essalam", à Alger    Appel à des sanctions contre l'occupation sioniste    Recrutement de surveillants de plages saisonniers    Le cap maintenu sur l'augmentation des exportations hors hydrocarbures    Apanage des seules élites algériennes francophiles    Avec 9 joueurs, l'ESS prive l'ASO d'une égalisation    L'Algérie exprime sa vive protestation suite à la décision de la justice française de placer en détention provisoire son agent consulaire en exercice    "Oueld E'ttir" un projet moderne pour une meilleure mise en valeur du patrimoine chaabi    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



KABYLIE STORY II
Seddouk Ouffella : solitude post-mortem de Cheikh Aheddad Par Arezki Metref
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 10 - 2005

Taos, ma vieille complice d�Akbou, a un contact. Un confr�re, qui habiterait Seddouk, lui avait dit qu�elle pouvait compter sur lui. En grimpant dans la Hyundai bleu p�trole conduite par Mustapha, un copain d�Alger que j�entra�ne dans ces nouvelles p�r�grinations, elle se d�sole de ne pas me donner de r�ponse. Le confr�re ne r�pond pas au t�l�phone. On essaye une derni�re fois. La voix m�tallique du r�pondeur nous apprend invariablement que le correspondant est injoignable. On va tout de m�me � Seddouk, apr�s un crochet par Sidi Yahia, le marabout thermal qui fait un tabac. N��tant plus tout � fait une piste, la route n�est cependant pas encore confortablement carrossable. Conclave dans la voiture : compte tenu du peu de temps dont nous disposons, mieux vaut sacrifier Sidi Yahia. Il sera encore l�, un autre jour.
On pr�f�re foncer sur Seddouk, dans l�ignorance de cette nuance d�cisive : c�est qu�il y a Seddouk bada�, le bas, Seddouk Oufella, le haut, et Seddouk centre. C�est l�-dedans que nous arrivons. Les rues sont tir�es au cordeau. Il ne serait pas �tonnant que, comme dans certaines villes des Etats-Unis, les rues portent des num�ros plut�t que des noms. On avait imagin� que le souvenir de cheikh Aheddad nous sauterait dessus avant m�me qu�on foule le sol de la ville. On avise deux personnes �g�es, bavardant sur des chaises � m�me la rue. Elles doivent pouvoir nous orienter. La t�che de demander m�incombe parce que Taos est timide et Mustapha ne parle pas kabyle. Je fais ce rapport � mes camarades de voyage : on doit faire demi-tour et, au croisement, reprendre la direction de Bouga� pour rallier Seddouk-Oufella, village natal du cheikh. On a du mal � sortir de la ville. On recourt une fois de plus � un passant. Comme la premi�re fois, c�est une personne �g�e qui nous indique une �picerie dans un virage. �Celui qui la tient est de la famille du cheikh�, dit-il. C�est bon � prendre. Mais on a d� rater le virage. On tombe tout de m�me sur la statue du cheikh. Si mes informations sont bonnes, elle a �t� �rig�e � l�endroit m�me o� le guide de la confr�rie Rahmanya a proclam� le jihad contre les Fran�ais. Nous sommes le 8 avril 1871. Cheikh Aheddad conduit la pri�re � Souk El Djem�a, appuy� sur ses enfants, M�hand, lieutenant de Boubaghla lors de la r�volte de 1851, et Aziz. Le cheikh projette son b�ton � terre et dit : �Nous jetterons les envahisseurs � la mer de la m�me mani�re que je jette ce b�ton � terre.� L�insurrection est partie. 15 000 hommes prennent les armes sous la banni�re d�Aziz et de M�hand, avec la b�n�diction de cheikh Aheddad. Retour � notre croisement d�origine. Pas question de se tromper de direction cette fois-ci. On prend bien Boug�a. �a grimpe du diable ! Comme partout, les constructions poussent dans les endroits les plus inattendus. On traverse un gros bourg aux carcasses �tal�es � travers les mamelons. Dans la voiture, la lassitude commence � gagner. Taos me confie qu�elle ne s�imaginait pas que le village de cheikh Aheddad puisse se nicher si haut. Mustapha, lui, se concentre sur la conduite. Les virages se succ�dent entortillant une route d�serte. Un arc de triomphe en m�tal plant� � l�entr�e d�un chemin vicinal informe : �Seddouk Oufella, village historique, Cheikh Aheddad, 1871�. Le village est adoss� au mont Achtoug. Dominant d�une bonne t�te la plaine, Seddouk Oufella a quelque chose du nid d�aigle qui n�a rien � craindre des attaques terrestres. Depuis la route, il faut rouler un bon moment avant d�entrer dans le village. Premi�re bonne surprise : peu de baraques d�ostentation, ces colifichets des nouveaux riches qui �maillent la Kabylie de leur brillance de stuc et de parpaing. Les maisons ont �t� reconstruites souvent � l�ancienne. Le mat�riau de base demeure la pierre de taille et le ciment, un m�lange de terre et de paille. �a dresse des murs pour des si�cles ! Dan0s les rues escarp�es, le silence est comme le sympt�me d�un recueillement �ternel. La r�pression du soul�vement de 1871 est encore tapie dans les m�moires. Elle est transmise comme un h�ritage de la r�sistance. Lorsque la r�volte a �t� �cras�e, les hommes de la famille Aheddad sont arr�t�s et leurs biens mis sous s�questre. Le tribunal de Constantine, devant lequel les insurg�s sont pr�sent�s en 1873, reconna�t la culpabilit� du cheikh dans la proclamation de la r�volte. Le juge lui ass�ne le verdict : �Le tribunal vous condamne � 5 ans de prison�. Cheikh Aheddad r�torque : �Dieu ne m�accorde que 5 jours�. Le sixi�me jour, les gardiens le retrouvent mort dans sa cellule de la prison de Constantine. Son fils M�hand est d�port� en Nouvelle-Cal�donie. Aziz, son cadet imp�tueux, celui qui aurait convaincu son p�re de donner une caution religieuse � la r�volte des djouad men�e par El Mokrani, est condamn� � mort. Mais sa peine est commu�e en d�portation en Nouvelle- Cal�donie. Lorsque les d�port�s communards sont amnisti�s en 1879 et que Aziz comprend que le gouvernement fran�ais n�avait pas l�intention d�agir de m�me avec les insurg�s d�Alg�rie, il s��vade de l��le. Il gagne l�Australie, puis le Nedjaz. C�est � Paris qu�il meurt � l��ge de 55 ans. Rapatri� en Alg�rie, sa d�pouille est accueillie par des milliers de ferventes ouailles des Rahmanya. Des jeunes sous un pr�au : ils sont prudents. Ils attendent qu�on aille vers eux. Ils ne sont pas surpris d�apprendre que nous sommes l� pour cheikh Aheddad. �Tout le village, ce sont des Belhadad ou presque�, dit l�un deux. Sur le seuil de sa boutique, l��picier nous souhaite la bienvenue. C�est �videmment un Belhadad. Mais la rencontre se fera devant la maison du cheikh, sur cette petite place qui h�site entre la mosqu�e et takhlijt, le quartier du guide spirituel de la tarika. Tayeb Belhadad a 53 ans. Il est ma�on, maigre et il fume cigarette sur cigarette. �Je suis n� ici, j�ai v�cu ici, � l�exception d�une parenth�se insignifiante, et si Dieu veut, je mourrai ici�, dit-il d�entr�e de jeu comme pour expliquer que la branche d�o� il descend n�a pas �t� touch�e par l�exil. Des histoires d��vasion de Cayenne et l��le des Pins sont courantes ici. Les enfants apprennent tr�s t�t que leur arri�re-grand-p�re a fait la belle d�un bagne sous les tropiques et qu�il a fait un crochet par l�Australie ou par Londres. On vous dit �a avec la m�me simplicit� qu�on mettrait � vous confier : �Je suis all� prendre un caf� � Seddouk-Centre !�. Tayeb m�emm�ne visiter takhlijt n�acheikh. Nous p�n�trons par asqif, l�entr�e. La porte, en bois massif, artisanalement �quarri, patin�, est rabattue vers l�int�rieur. Elle s�abrite sous un porche � la voussure en pierre. Une partie de la maison est reconstruite et habit�e par un alli� de la famille Belhadad. Restaur�e, elle est une b�tisse ordinaire, aussi quelconque que ce qu�on construit aujourd�hui. Le bleu du mur jure avec l�ocre de la pierre de taille, mat�riau traditionnel � Seddouk. Des ma�ons sont en train de restaurer la maison, qui fr�le la ruine. �Il y a enfin un geste pour sauver cette maison�, soupire Tayeb. Tout le monde visitait la retraite du vieil asc�te mais aucun de ces responsables qui, � des moments donn�s, venaient gonfler leurs poumons d�oxyg�ne patriotique n�a fait le moindre geste pour que la maison reste debout comme l�a �t� le cheikh face � l�envahisseur. �Un miracle vient donc de se produire�, ironise Tayeb. Les quatre ma�ons qui s�affairent aux extr�mit�s d�afrag, la cour int�rieure, semblent tenus par un �ch�ancier. Deux sont jeunes. Les deux autres sont exp�riment�s. Parmi les deux plus jeunes, l�un est un Belhadad. �Ils retapent la maison � l�ancienne�, pr�cise Tayeb. Il faut juste consolider pour que les murs ne s�effondrent pas. La maison est ce qu�on faisait de mieux � l��poque. Dans la cour, pav�e de ciment, et d�nivel�e, une jarre vieille comme la maison tra�ne plut�t que tr�ne. Des tr�teaux sont dress�s par les ma�ons. A gauche, une pi�ce � la forme g�om�trique relativement impr�cise baigne dans une obscurit� �paisse. Une porte, au fond de la pi�ce, s�ouvre � l�ext�rieur sur une venelle qui sinue vers les rives de la Soummam. Le mur n�est pas perc� de fen�tres, mais juste de petits trous rectangulaires. L�une de ces meurtri�res donne sur la venelle. �Lorsqu�il ne pouvait ni sortir ni recevoir chez lui, dit Tayeb, cheikh Aheddad parlait aux siens par cette meurtri�re sans quitter son refuge�. Takhlijt n�achikh est une cellule monacale � moiti� enfouie sous terre. On y entre en baissant la t�te et, une fois � l�int�rieur, le champ d�action est limit�e. Dans un coin, des �tag�res sont ma�onn�es dans le mur. Tout cela est bien spartiate mais n��tait-ce pas le lieu de vie d�un mystique dont l�asc�tisme a forc� l�admiration de ses contemporains. Le 13 juillet 1871, cheikh Aheddad conduit une d�l�gation de moqadems de la tarika partie � Tizi Lakehal pour offrir la soumission au g�n�ral Saussier. Un militaire fran�ais t�moigne : �Son �ge, ses malheurs, sa figure �maci�e par toute une vie d�asc�tisme et de r�clusion, la dignit� de son attitude frapp�rent les plus indiff�rents et les plus sceptiques de nos soldats.� Pendant toute cette journ�e, raconte-t-on, alors qu�il est gard� sous une tente, cheikh Aheddad recevait les spahis et les auxiliaires alg�riens qui venaient lui baiser la main en signe de respect et de d�vouement. �On va � la mosqu�e si vous voulez bien�, propose Tayeb. Les dalles en ciment, encore fra�ches, sont l��uvre de Tayeb. Axxam n�rabi, la maison de Dieu ou salle des pri�res, est ferm�e par un portail en m�tal. Trois paires de claquettes en plastique marron sont comme stationn�es devant une serpilli�re qui fait office d�essuie-pied. Tout est ouvert, dans cette mosqu�e, sauf la salle des pri�res. La porte d�entr�e construite en arcade, il suffit de la pousser pour p�n�trer dans la cour dall�e. Les lavabos sont accessibles � tout le monde. Tout porte la simplicit� de l�islam traditionnel de Kabylie. Pas la moindre ostentation. Avec ses deux balcons pour l�appel � la pri�re de vive voix, sa hauteur raisonnable, sa forme massive, le minaret est un signe de sobri�t�. Tayeb nous entra�ne vers l�ancienne mosqu�e, celle dans laquelle cheikh Aheddad transmettait le message de la tarika. Il s�installe dans un petit b�timent situ� sur ses terres en contrebas de Seddouk Oufella. Apr�s la spoliation, le b�timent servira d��cole relevant de l��ducation nationale. Que la direction de la confr�rie Rahmanya, la plus puissante de l��poque, s�installe � Seddouk, tout le m�rite en revient au cheikh. N� en 1791, Mohammed Ameziane Ben Ali est issu d�une famille la�que de forgerons. Contrairement � l�usage, c�est donc un homme qui n�appartient pas � un lignage religieux qui dirigera de 1857 � 1873 l�ordre fond� � A�t Sma�l par Sidi Abdarahmane Bou Qabrine, le saint aux deux tombeaux,. L�implication de la Rahmanya, par son chef
d�alors Hadj Amar, dans le soul�vement anti-colonial de 1957 ayant entra�n� la fermeture de la zaou�a, cheikh Aheddad reprend le flambeau � Seddouk, un village vieux de huit si�cles. Il donne � l�ordre non seulement une aura nouvelle mais aussi une perm�abilit� au destin de ses adeptes, ce qui fait de lui � ce jour le symbole d�une mystique de la r�sistance. La mosqu�e est une pi�ce dans un tunnel. Les dalles ma�onn�es dans le mur m�me de part et d�autre du chemin font comme les trav�es d�une assembl�e. Derri�re la maison du cheikh, une porte en fer. Une main innocente a �crit sur le fond couleur rouille : coiffure. Plus bas encore, on tombe sur une galerie qui forme comme un belv�d�re ouvert la vall�e. Deux grandes salles de pri�re ou d�enseignement sont � l�abandon. �Ce sont les khouans (les ouailles) du cheikh, venus de toute la Kabylie, qui ont construit cet ensemble�, dit Tayeb. Tout tombe en ruine. On reprend la galerie dans l�autre sens. Le local de l�association Issoulas, d�di�e � la connaissance de cheikh Aheddad, est ferm�. Les jeunes qui nous avaient vus arriver sont au m�me endroit. L��picier fait la sentinelle devant son �choppe. Tayeb nous invite � prendre un jus Touja chez son cousin. Entre les sandales made in China et les l�gumes de la vall�e, on parle de voyages. Voyage dans l�espace. Voyage dans le temps. �J�ai le regard long et la main courte�, dit Tayeb. Traduire : Je vois et je projette loin, mais ne peux y aller. J�ai promis de citer le nom de l�auteur de ces propos. Il s�appelle Tayeb Belhadad.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.