Le patriotisme a bon dos surtout lorsqu�on s�en sert comme d�rivatif afin d��pargner, � un r�gime, les critiques. Il s�en trouve m�me des adulateurs de service pour organiser, � travers un marketing du symbole de la souverainet�, une sorte de t�l�thon afin, pr�tendent-ils, de lui retisser un drapeau tomb� en quenouille ! Jadis, Mostefa Lacheraf (1) nous mettait d�j� en garde contre la propension � la �sentimentalit� parfois b�lante� qui tourne le dos � la v�ritable d�cantation historique. Celle qui est destin�e � �survivre et perdurer�, ajoutait-il. Dans le fil de sa pens�e, le grand homme posait justement la question du rapport de la jeunesse alg�rienne � l�histoire du pays. Il sugg�rait, entre autres, d�en finir avec la �d�mesure pseudo-h�ro�que et les seuls mythes avantageux � qui agacent justement les g�n�rations post-ind�pendance et les d�tournent, une fois pour toutes, de leur pass� proche et lointain. Le constat, �tabli en 1985, est jusqu'� ce jour ignor� par nos dirigeants qui, tout en s�accommodant des momifications historiques, tentent, par d�obliques subterfuges, de s�en approprier le sens original et d�en d�tourner, selon leur seule exclusive, la valeur. C�est ce qui est advenu � ce �5 Juillet� progressivement d�mon�tis� jusqu'� en �tre r�duit � un prosa�que rendez-vous pour kermesses scolaires. En 46 ans d�ind�pendance ce jour, majuscule, est pass� de l�exub�rance populaire � l�indiff�rence la plus incompr�hensible. De r�clusion m�morielle en enfouissement volontaire, il n�est plus c�l�br� qu�en petit comit� � juste pour donner le change. Pour les cercles du r�gime, il n�est rien d�autre qu�un exercice impos� comme un pensum protocolaire. C�est dire qu�en mati�re de ti�deur patriotique � ranimer, ce n�est pas du c�t� des masures populaires qu�il faut tisonner pour rallumer ce fameux sentiment, mais plut�t aupr�s de la maison du pouvoir et ses d�pendances qu�il faut aller chercher les raisons qui ont contribu� � la d�su�tude d�une date. En somme, comment, � partir de non-dits, l�on a abouti � la trahison d�une valeur fondatrice sans que cela soit avou� et assum� ? Car enfin, ce sont avant tout les soci�t�s qui sont attach�es � la m�moire communautaire et � la c�l�bration de tout ce qui est constitutif de son identit�. Antidotes contre les omissions programm�es et le p�ril de la manipulation, certaines dates fonctionnent comme des vigies. Celles-ci se chargent de d�signer les socles et sanctifient d�abord la nation puis l�Etat qui en d�coule. En clair, il n�y a pas de nation sans symbole et notamment son acte de naissance (ou de re-naissance) ; de m�me que l�Etat ne peut s�inscrire dans l�intangibilit� sans une �tra�abilit� historique. Dans la cohorte des soci�t�s martyris�es par l�histoire, l�Alg�rie est s�rement le pays qui a le plus besoin de �m�moire� pour exorciser les d�mons du d�litement. Autant rappeler qu�elle n�a pas le droit de solder le moindre moment de son pass� ou le moins parlant des jalons de son nationalisme. Moments vis-�-vis desquels l�adh�sion collective est sans �quivoque et surtout �galitairement partag�e � l�inverse des dirigeants qui n�ont eu de cesse de s�affronter s�ctairement sur le sens � leur donner. Ce sont ces dates c�l�br�es qui constituent les rep�res g�n�riques d�une identit� nationale tourment�e et longtemps travers�e par des doutes et d�odieuses exclusions. Souvent malmen�es, certaines d�entre elles r�sistent � l��rosion des id�ologies du moment quand d�autres peinent � survivre et � �tre comm�mor�es. Dans le calendrier identitaire, le 1er Novembre et le 5 Juillet repr�sentent les moments majeurs qui d�signent respectivement la nation et l�Etat. Or, si le 1er Novembre, d�cr�t� d�s 1963 f�te nationale, continue � �tre charg� de sens, en revanche la f�te d�Ind�pendance a �t� patiemment vid�e de toute signification. Peut-on avancer une explication plausible � la d�valuation d�un symbole qui contresignait notre d�colonisation ? Ind�niablement, le 5 Juillet fut notamment victime des avatars de l�accouchement violent de l�ind�pendance. La crise de l��t� primordial de l�an 1962 en avait fait implicitement un mort-n� d�s l�instant o� la l�gitimit� du GPRA, � l�origine du choix de cette date, fut balay�e par la faction soutenue par l�ALN des fronti�res qui se pr�valait d�une lecture des accords d�Evian peu �logieuse. La suite des �v�nements fera le reste. Au lendemain du coup d�Etat du 19 juin 1965, il fallait habiller d�oripeaux originaux une nouvelle l�gitimit� descendue des tanks. Par petites touches, le 19 juin, alors institu� jour f�ri�, supplantera le 5 Juillet. Jusqu�au jour o�, les doctrinaires du parti unique, franchirent le pas (1980) et rebaptis�rent le souvenir de Sidi Ferruch de 1830 et la joie de 1962 en �f�te de la jeunesse�. Gr�ce � cette mystification, ils parvinrent � �lever le 19 juin au niveau de rep�re fondateur de la r�surrection de l�Etat alg�rien �. Quand bien m�me l�on a pris la pr�caution de ne parler que de redressement r�volutionnaire �, il fallait d�coder, en seconde lecture, le concept de l�Etat dont �tait d�positaire un certain �conseil�. Comme le 1er Novembre �tait inattaquable et inali�nable, en tant que r�f�rence de la nation, en revanche il �tait ais� d�alt�rer la port�e du 5 Juillet d�s lors qu�il ne signifiait que le passage d�un statut de d�pendance � celui du libre-arbitre politique. Tant que le �la� du politiquement correct �tait donn� par la matrice du 19 juin, l�explication tenait encore la route. Mais, depuis 2004, une autre ex�g�se s�est substitu�e � l�ancienne ayant pour seul souci, une suppos�e l�gitimit� d�mocratique. Pour ce faire, elle abrogea certes du calendrier officiel le 19 juin sans pour autant r�tablir dans la solennit� qu�elle m�rite la f�te de l�Ind�pendance. Radio et t�l�vision officielles avec le talent qu�on leur conna�t continuent pourtant � disserter stupidement sur cette f�te de la� jeunesse quand il fallait remonter l�horloge de ce pays pour le remettre � la page de son histoire et du contenu de ses dates historiques. Aux Etats- Unis �l�Independence Day� date du 4 juillet 1776 de m�me que la R�publique en France fut enfant�e le 14 juillet 1789. Dans tous ces outre-mers et outre-oc�ans et malgr� les si�cles passant, la m�me ferveur marque ces jours patriotiques quand, chez nous, le chef de l�Etat ne daigne m�me pas pr�senter les v�ux de la nation � ses sujets. Une raison majeure pour rappeler que le sentiment patriotique est d�abord une question d�exemplarit� et non une affaire d�oripeaux budg�tis�s avec l�argent public.(2) B. H. (1) In la pr�face de Mostefa Lacheraf consacr�e � l�historien M. C. Sahli dat�e de 1985 et publi�e dans le recueil consacr� aux �litt�ratures de combat�. Edition Bouchene. (2) Monsieur Mihoubi, le directeur g�n�ral de la radio, qui n�est pas dans son r�le de p�dagogue du patriotisme, doit par ailleurs nous dire qui finance les 5 millions de drapeaux dont le co�t global tourne au bas mot � 5 milliards de centimes (10 DA l�unit�).