Le moins que puissent en dire les esprits lucides se traduit ainsi : «L'Algérie va bien !». Et moi j'ajouterai, quoi qu'en déduiraient ses détracteurs, qu'elle va bien mieux qu'il y a quelques années où les assassinats par balles le disputaient aux tueries à l'arme blanche. Et où les femmes algériennes étaient kidnappées par dizaines et parquées dans des casemates pour veiller au confort sensuel des nouveaux fous de Dieu qui, le lendemain, repartaient, guillerets, à leur tâche d'exécuteurs d'innocents : hommes, femmes et enfants au nom d'une certaine miséricorde divine. Ce temps-là, et tout ce qu'il a représenté comme régression, est fort heureusement révolu. Sans doute restera-t-il à affranchir l'Algérie du poids de traumatismes que ces mêmes hordes barbares l'ont obligée à supporter durant plus de 20 ans. Vingt années durant lesquelles, boycottée même par les Etats dont on ne soupçonnait pas qu'ils oseraient afficher la même aigreur envers elle que ses pires ennemis, grâce au courage et à la résignation de femmes et d'hommes restés debout en dépit du harcèlement exercé sur eux par mahchouchas et voitures piégées interposées. Il fallait que les partisans de cette nébuleuse émargeassent dans l'ordre des ennemis du Ciel et des hommes pour s'adonner aussi allégrement à une tâche que l'Etre lui-même réprouve sur toutes les latitudes de la planète. L'Algérie a enduré tout cela seule, dans la dignité et dans un isolement économique quasi-total, à l'exception de quelques entreprises étrangères non dénuées d'audace dont les dirigeants, disons-le tout net, n'ont pas tous incliné à ramasser l'argent à même les cadavres d'un peuple harcelé par le terrorisme. Dans vingt mois, l'indépendance, conquise au prix fort de 1954 à 1962, fêtera ses 50 ans. C'est l'histoire de l'indépendance de notre pays qui atteindra cet âge au mois de juillet 2012 et non l'Algérie qui, elle, existe depuis des millénaires. Cinquante ans d'intenses activités contredites par moments par des contradictions imprévues, sinon imprévisibles, la dernière en date ayant coûté à notre pays des milliers de morts, sans oublier le gel quasi général de certaines de ses activités industrielles. Mais pas les hydrocarbures pour lesquels l'Etat dut procéder à des aménagements budgétaires spécifiques pour financer le système mis en place pour assurer la protection des sites de leur production et leur acheminement vers leurs destinataires naturels. La gageure à tenir, à l'époque, consistait à honorer les contrats de livraison malgré le danger encouru et les risques de sabotage des installations de transfert à partir du sud producteur vers les ports d'embarquement du nord, un point, notons-le, sur lequel l'Algérie a fait un sans-faute. Les contrats des pays consommateurs ont été honorés et la clientèle traditionnelle de notre pays lui est restée fidèle malgré les coups bas assénés à notre pays par des Etats, à la rancune tenace, non contents de voir l'Algérie remonter à la surface du gouffre où l'intégrisme l'avait précipitée, à chaque fois que leurs agents leur annonçaient sa mort imminente. LE TERRORISME VAINCU... Evidemment, pendant que l'Etat cherchait par tous les moyens à protéger la source pour nourrir son flux de développement, en dépit des erreurs de choix commises en privilégiant notamment certains secteurs de base de l'économie nationale dès l'indépendance, l'Algérie a quand même réussi à tenir en respect le péril qui la menaçait jusqu'à ce que la stratégie sécuritaire accède à un degré supérieur qui, par voie de conséquence, remettait en cause son propre schéma initial en s'ouvrant à une stratégie accordant une plus large place au renseignement à travers la formation d'agents éprouvés dans cette désormais incontournable discipline. A cela s'ajoute l'expérience acquise par l'Algérie à mesure que s'amplifiait le désastre. Si aujourd'hui l'Algérie est sollicitée de toutes parts pour aider les autres pays à mieux lutter contre le terrorisme ce n'est certainement pas pour ses beaux yeux mais pour l'efficacité du savoir-faire qu'elle a su tirer de sa cruelle expérience. Ceci, en dépit de ce que peut nourrir comme ressentiments pour combler ses lacunes, l'ancien juge Jean-Louis Bruguière qui, depuis qu'il a été libéré de sa fonction, se permet, de temps en temps, quelques transgressions avec le devoir de réserve, en qualifiant la coopération antiterroriste de l'Algérie avec le reste du monde, de non spontanée. Tiens donc ! A la question de savoir pourquoi, le juge, qui n'en est désormais plus un, s'est contenté de faire le dos rond pour s'esquiver afin de ne pas préciser sa pensée au journaliste qui l'interrogeait ! Mais qu'à cela ne tienne, dès lors que des pays comme l'Amérique du président Obama, pour ne citer que cet exemple, n'éprouvent aucune gêne à dire et à redire, sinon à faire savoir la satisfaction qu'ils ont à coopérer avec l'Algérie. C'est une des raisons qui poussent les assistants d'Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, à accélérer le rythme de leurs séjours en Algérie pour renforcer la coopération entre les deux pays. Toujours dans le même ordre d'idées, la critique acerbe à laquelle est confrontée l'Algérie n'émane pas que des étrangers. En effet, en épluchant la presse d'hier, je suis tombé par hasard sur un paragraphe dont la substance semble avoir été tirée d'une étude ou d'une conférence prononcée par un spécialiste des affaires économiques. Voici ce qui en ressort. Après une interminable logorrhée sur le développement, vu à travers la lorgnette d'un abonné du café du commerce, l'auteur supposé nous livre sa pensée comme suit. «En ignorant, rapporte-t-il, l'investissement dans le capital humain et sa formation, la décision économique s'est privée d'un levier essentiel qui permettrait à l'entreprise algérienne d'être compétitive et de s'insérer dans l'économie mondiale.» L'auteur de cette tirade nous indique, ou bien il n'a pas encore atteint l'âge de raison pour apprécier les choses à leur juste valeur ou, ce qui est encore pire, il a vécu ces cinquante dernières années dans l'isolement le plus total. UNE PUISSANCE REGIONALE INCONTOURNABLE Car cette théorie ne date pas d'aujourd'hui ; elle est le fruit d'une théorie développée dans un livre dont l'auteur est un Allemand, un sociologue spécialiste du Tiers-Monde. Le titre de son ouvrage : «Peu de temps pour le Tiers-Monde» sorti dans l'édition Duculot en 1973 en Belgique. Ceci pour l'anecdote. Pour le reste, on ne peut parler de développement sans évoquer les efforts consentis par notre pays en faveur de la formation des cadres. Des milliards en devises furent dépensés pour cette discipline sans parler du nombre d'universités construites en moins de trente années. D'ailleurs si l'on décidait de faire les comptes, on s'apercevrait que pendant plus de 10 ans de cauchemar intégriste, la plupart des projets envisagés dans les années 1980-90 ne purent voir le jour à cause du terrorisme, sans oublier l'endettement contracté par notre pays et dont il ne put se libérer qu'après un passage obligé à travers les fourches Caudines du FMI. Aux contempteurs de citer ne serait-ce qu'un exemple d'un pays dans le monde qui, après 48 ans seulement d'indépendance, ait pu s'en sortir aussi bien que l'Algérie, malgré les vicissitudes et les tentatives de déstabilisation dont elle a fait l'objet durant cette période. Faut-il être aveugle ou tout simplement naïf pour ne pas comprendre que plus la douane algérienne arrête des trafiquants de drogue, plus il y a motif à croire que l'Algérie ne compte pas que des amis dans le concert des nations. Le rôle des observateurs consiste justement à révéler à l'opinion publique tout ce qui se trame de louche contre leur pays au lieu de s'enliser dans des calculs économiques auxquels ils ne comprennent pas grand-chose. Récemment on a appris que des faux billets de 1.000 dinars circulaient librement sur notre territoire. Les auteurs d'un tel acte sont communément appelés faussaires. Leur but dans ce cas d'espèce ne serait pas seulement de blanchir de l'argent sale mais d'aller plus loin en besogne, en visant la déstabilisation de notre pays car, malgré ce que l'Algérie a eu à endurer durant les vingt dernières années, elle reste plus que jamais attachée à la souveraineté des peuples et ce, quelle que soit la latitude où ils se trouvent. Récemment, par l'intermédiaire d'un de leurs sous-secrétaires d'Etat, les Etats-Unis d'Amérique n'ont pas hésité à déclarer que l'Algérie était devenue une puissance régionale dans le bassin méditerranéen. Des termes de cet ordre ne peuvent assurément plaire à tout le monde. Seulement voilà ! Ils ont été prononcés par une autorité supérieure et sûrement pas pour caresser l'Algérie dans le sens du poil. Quant au voyage effectué récemment par le président de la République à Berlin, en dépit des critiques qu'il a suscitées-l'Algérie est un pays où l'on peut même dénigrer librement-je peux en témoigner pour avoir été présent à un voyage similaire où, alors que la social-démocratie au pouvoir en 2003 en Allemagne peinait à rendre crédible sa politique de réformes, M. Abdelaziz Bouteflika en était revenu relativement peu satisfait. Pourquoi a-t-il cette fois remporté la timbale ? Parce qu'autant l'Allemagne que l'Algérie, les deux pays ressentent le même besoin d'élargir leur coopération d'autant qu'avec le simoun qui traverse de part en part les entrailles de l'Union européenne, des pays comme l'Allemagne ressentent de plus en plus le besoin de participer plus activement, par la coopération et les idées, aux réformes de l'économie mondiale mais aussi aux réformes de l'ONU qui a besoin, comme chacun sait, d'un rééquilibrage objectif de ses institutions dirigeantes.