Beaucoup de commentaires sur l'annonce, il y a quelques jours, de la fin des frais de roaming pour les citoyens européens qui n'auront plus à affronter les surprises des dépassements de forfaits, à l'occasion de leur retour de voyage. « Le très sage Günther Oettinger, commissaire européen au Numérique, s'est fendu de trois points d'exclamation pour annoncer la bonnenouvelle », fait remarquer le site du quotidien français lefigaro.fr, quand il annonce que « les usagers du téléphone mobile, se déplaçant au sein de l'Union européenne, verront leurs frais d'itinérance (ou « roaming ») disparaître à compter du 15 juin 2017. » « En pratique, note l'encyclopédie en ligne Wikipedia, le roaming (ou « itinérance ») désigne la faculté des abonnés d'un opérateur de réseau mobile à utiliser les services de téléphonie mobile (voix ou données) de différents réseaux au fur et à mesure de leurs déplacements. Cette fonctionnalité est utile chaque fois qu'un client est hors de portée du réseau de son opérateur. C'est notamment le cas lors d'un déplacement dans un pays étranger ; mais aussi quand les infrastructures d'un opérateur ne couvrent pas totalement le territoire national ». D'après l'encyclopédie collaborative, le roaming est rendu possible par le « fait que le réseau mobile GSM conserve à chaque instant une information dans ses HLR (enregistreurs de localisation) sur la zone où est localisé l'abonné mobile. » L'auteur de l'article publié sur l'encyclopédie note cependant que « commercialement (dans les contrats d'abonnement), le terme roaming désigne généralement le roaming international. » En effet, la presse a largement commenté cet accord signé entre le Parlement européen et les Etats membres, prévoyant, notamment, une baisse des frais de roaming à partir du 30 avril 2016, puis, dès le 15 juin 2017, l'instauration d'un prix identique pour les appels, les sms et toutes autres données mobiles sur tout le territoire européen. Le site du journal français rapporte ainsi un élément de communication de la Commission européenne, selon lequel, « Appeler un ami depuis chez soi ou à partir d'un autre pays de l'UE coûtera le même prix », tout en soulignant que le décompte des appels, sms et autres transferts de données, se fera de manière similaire quelque soit le pays dans lequel se trouve l'utilisateur sur le territoire européen. Avant l'échéance du 15 juin 2017, les opérateurs de téléphonie mobile seront invités dès avril 2016 à revoir leur tarification à la baisse ; « ils ne pourront facturer que 0,05 euro par minute d'appel, 0,02 euro par SMS envoyé et 0,05 euro par MB de données (hors TVA) », rapporte le site www.01net.com, qui rappelle « que les prix avaient déjà baissé de 80% depuis 2007. » Néanmoins, selon les différents écrits de presse relatifs à ce dossier, il est fait état de la possibilité de faire appliquer des frais « au-delà d'un certain seuil de communications lors d'un déplacement de longue durée, ou si les forfaits sont dépassés », note lefigaro.fr, ajoutant que, pour les utilisateurs en France, « des opérateurs ont devancé cette mesure en incluant des SMS ou de l'accès aux données hors de France. » A noter effectivement que la plupart des opérateurs de téléphonie mobile se sont adaptés à cette nouvelle donne en intégrant depuis quelques temps déjà des offres de services de communications mobiles, élargies au territoire européen. A l'image de l'opérateur français Free, connu pour ses pratiques tarifaires ‘'déconcertantes'' sur le marché de la téléphonie, annonçant, début juillet, de nouvelles destinations dans son forfait Free Mobile, étendant ainsi ses ‘'Pass Destination'' à l'ensemble des pays européens. Mais pas que lui, puisque les entreprises de téléphonie mobile ont eu le temps de voir venir ce nouveau cadre réglementaire, et donc d'anticiper par de nouvelles mesures marketing et commerciales en mesure d'atténuer les effets de cette nouvelle règle. « Le ''bill shock'' – le choc de la facture au retour des vacances – n'est plus aussi important qu'il y a quelques années. En outre, les opérateurs ont désormais intégré le « roaming » en Europe, traditionnellement réservé aux professionnels et aux offres premium, dans plusieurs forfaits moyenne gamme », rapporte leschos.fr, évoquant le cas d'autres opérateurs comme Orange, Numericable-SFR et Bouygues Telecom, qui, écrit-il, « proposent depuis l'an dernier des enveloppes de communication et de consommation plus généreuses pour les abonnés qui voyagent, avec une limite dans le temps. » Les observateurs ont effectivement relevé un recours systématique des opérateurs à des offres incluant le roaming comme « un nouvel élément de différenciation et de segmentation », considère un analyste », selon lesechos.fr qui note que cela donne de la valeur à leurs offres prémium mais ne les dédouane pas de nouvelles innovations marketing qu'ils doivent constamment mettre sur le marché « pour inciter leurs abonnés à dépenser davantage », suggère-t-il. Il faut noter que le marché du roaming est une niche juteuse avec de belles marges de bénéfices pour les opérateurs de téléphonie mobile. Tout le monde comprend en effet leurs actions de lobbying pour faire capoter cet accord ou du moins ne retarder au plus tard possible l'échéance. Pour le site du quotidien économique français leschos.fr, « le ‘'roaming '' a longtemps représenté la vache à lait des opérateurs » ; ces derniers ont ainsi vu les tarifs appliqués au roaming, divisés par quatre pour atteindre, actuellement, le niveau de « 19 centimes par minute d'appel, 6 centimes pour un SMS, 20 centimes par mégabit de data », selon ce même site. On comprend également les vaines manœuvres de ces opérateurs pour obtenir des délais supplémentaires pour la mise en œuvre de l'accord, ainsi que leur silence sur les bénéfices que leur procure le roaming même si leschos.fr, croit savoir qu'ils « représentent encore en moyenne 7 % des revenus et 5 % de l'Ebitda (excédent brut d'exploitation), pour un opérateur mobile. » L'accord devra avoir des répercussions sur le marché de la téléphonie mobile, car, comme le souligne ce site, « ce n'est pas forcément une bonne nouvelle », sur un marché marqué, ajoute-t-il, par la « concurrence exacerbée qui caractérise le marché européen des télécoms, où les acteurs cherchent par tous les moyens à redresser leurs marges. » Il faut considérer que le roaming a un coût pour les opérateurs qui doivent trouver le bon modèle économique pour compenser cette ‘'perte'' imposée par le nouvel accord européen. Un cadre exerçant auprès d'un opérateur connu sur le marché de la téléphonie mobile a ainsi confié au site lesechos.fr que le service du roaming n'est pas du tout à coût nul : « Cela représente un coût... Il faut gérer les multiples contrats à passer avec les opérateurs étrangers, surveiller les liens techniques entre les différents réseaux, installer des équipements. Ce n'est pas rien. » Du coup, les analystes essaient d'entrevoir les solutions envisageables pour ces opérateurs pour compenser les marges du roaming appelées à fondre après le 15 juin 2017 ; le site lesechos.fr s'interroge pour savoir s'ils ne seront pas tentés par une augmentation des prix des communications nationales, avant de répondre que « C'est peu probable, compte tenu de la situation du marché, notamment en France », illustrant cette thèse par les propos d'un cadre du secteur de la téléphonie mobile avouant : « On a déjà fait un trait sur les belles marges du "roaming". » L'accord passé en Europe sur l'itinérance téléphonique a ouvert également une brèche dans le débat sur la neutralité de l'internet, cheval de bataille des partisans d'un réseau internet, ouvert et accessible partout et pour tous. « La neutralité du Net ou la neutralité du réseau est un principe qui garantit l'égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet. Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau », écrit l'encyclopédie en ligne Wikipedia à propos de ce principe fondateur du réseau internet, ajoutant que « Tim Wu, professeur de droit à l'université Columbia à New York, a popularisé le concept de neutralité du Net dans un article paru en 2003 et intitulé Network Neutrality, Broadband Discrimination ». Ce principe technique est néanmoins soustendu par un débat politique intense, car, comme le note Wikipedia, au moment où « les équipements techniques qui forment le réseau Internet rendent désormais possible une gestion discriminatoire du trafic, de vifs débats politiques ont lieu actuellement pour déterminer si ce principe doit être garanti par la législation. » En signant l'accord sur la suppression de l'itinérance, les instances politiques européennes ont également prévu le maintien du principe de la neutralité de l'internet ; en effet, souligne le site lefigaro.fr le texte de l'accord « comporte également un volet sur la neutralité du Net, supposé garantir en théorie un accès à Internet libre sans discrimination à tous les citoyens européens », expliquant par la même que « Les fournisseurs d'accès ne pourront pas bloquer ou ralentir certains contenus ou applications, sauf dans un certain nombre d'exceptions, notamment pour empêcher des cyberattaques. » Parmi les exceptions prévues, selon les titres de la presse spécialisée, figurent par exemple les services de la télévision par internet, susceptibles de « bénéficier de conditions de trafic privilégiées, dès lors que, globalement, une qualité d'accès à internet satisfaisante sera assurée pour l'ensemble des usagers », note lefigaro.fr Ce sont surtout les associations de défense de la liberté sur internet et dans le monde numérique qui ont fait la moue devant le texte de l'accord, estimant qu'il laissait planer certaines zones d'ombres susceptibles de porter atteinte à ce principe. Elles y voient une porte ouverte à un ‘''internet à deux vitesses'' tant redouté et combattu par elles, car menant à une fin de cet internet rêvé par ses fondateurs, c'est-à-dire, libre et ouvert à tous. Ce que redoutent le plus ces associations c'est de voir offerte aux entreprises de télécoms, la possibilité d'opérer des systèmes de discrimination entre clients pour permettre à des entreprises du web de bénéficier ‘'d'autoroutes'' plus rapides pour sécuriser et accélérer la circulation de leurs contenus, le tout en contrepartie d'une rémunération différente. Il est vrai que les parlementaires européens ont adopté en 2014 un cadre réglementaire fixant expressément « une définition stricte de ces services spécialisés », objet de mesures d'exception, comme le souligne lefigaro.fr qui voit néanmoins que l'accord signé cette semaine sur la suppression du roaming demeure encore plein de zones d'ombre. « Cet accord rend la législation encore moins claire qu'elle ne l'était auparavant », rapporte ce site de la bouche de Joe McNamee, directeur du groupe européen de défense des libertés en ligne European Digital Rights, tandis que pour La Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques et sur internet, la signature de cet accord est assimilée à « une trahison » et le texte adopté jugé « ambigu et affaibli ».