La scène littéraire pakistanaise connaît un renouveau, comme en témoignent des festivals bondés en dépit des menaces sécuritaires. Récemment, la quatrième édition du festival littéraire de Lahore a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans la capitale culturelle du Pakistan, dans une ambiance plus proche du concert de rock que du salon littéraire compassé. De tels évènements s'efforcent de reconquérir un espace pour la culture, dont la place a notoirement diminué ces dernières années dans un pays secoué par des violences. Offrant une plateforme d'expression à toutes les formes d'art, ils permettent des échanges entre intellectuels modérés du monde musulman. « C'est une bonne chose. Ce qui m'attriste particulièrement quand on parle de l'Islam et des musulmans (...) c'est qu'on ne connaît pas leurs auteurs, leurs histoires », souligne Mohammed Hanif, qui s'est fait connaître internationalement par un roman traduit en 2009, « Attentat à la Mangue ». Ce dernier évoque avec un humour noir les dernières heures du dictateur Zia ul Haq. « Très peu de choses sont traduites depuis ces langues. Donc, c'est très bien de voir des écrivains palestiniens, égyptiens », a-t-il expliqué. La féministe américano-égyptienne Mona Eltahawy — féroce opposante du patriarcat et des pressions pour le voile islamique — s'est engagée dans un débat très animé avec des visiteurs. Ouvrir des espaces De plus en plus d'auteurs pakistanais obtiennent une reconnaissance internationale — notamment ceux qui écrivent en anglais, comme Hanif ou Mohsin Hamid, auteur de « L'intégriste malgré lui ». Ce roman, qui raconte la radicalisation d'un Pakistano-Américain, est devenu un film à succès en 2012. D'autres œuvres récentes, comme celle de Saba Imtiaz « Karachi, you are killing me », l'histoire d'une jeune reporter qui couvre les attentats tout en cherchant l'amour, remportent un succès en anglais, mais n'ont pas encore été traduites. Les critiques estiment que les gouvernements pakistanais successifs, influencés par les conservateurs religieux, n'ont pas fait grand-chose pour encourager l'art, entravant parfois même son expression. Mais cela n'a pas empêché l'émergence d'évènements littéraires — quelques semaines avant le festival de Lahore, le principal du pays, avait lieu celui de Karachi, et celui d'Islamabad est prévu sous peu. « C'est important de montrer que nous sommes en train d'ouvrir des espaces qui permettront à la pensée libre et à la recherche critique de circuler », estime le fondateur et dirigeant du festival de Lahore. L'insécurité est certes la mais il espère que cela n'empêchera pas la cité millénaire et sa majestueuse architecture moghole de continuer à inspirer les auteurs, comme elle l'a fait avec Rudyard Kipling et d'autres.