S'agit-il d'une nouvelle vague ? Depuis quelques années, les réalisateurs mexicains raflent les prix les plus prestigieux du cinéma mondial et la production mexicaine s'emballe. Avec les deux Oscars remportés récemment par Alejandro Iñarritu (meilleur réalisateur), le deuxième d'affilée, et Emmanuel Lubezki (meilleure photographie), son troisième consécutif, le palmarès du cinéma mexicain de ces cinq dernières années est impressionnant : 9 Oscars, 4 Golden Globes, 3 prix à Cannes, un Lion d'Or à Venise, deux prix à Berlin, etc. Si cette prodigieuse récolte est surtout le fait d'un petit groupe talentueux, en particulier Iñarritu et Alfonso Cuaron, ils ne sont pas les seuls à faire briller le cinéma. « Il faudrait parler de plusieurs vagues », estime Jean-Christophe Berjon, critique et ancien sélectionneur pour le Festival de Cannes. « Plusieurs familles coexistent et se stimulent mutuellement ». « Il y a une relation spéciale entre eux, un échange très stimulant », indique Daniela Michel, directrice et cofondatrice du festival de cinéma de Morelia. Derrière cette génération Iñarritu, installée aux Etats-Unis et actuellement au firmament, une nouvelle vague se profile avec notamment Amat Escalante et Michel Franco. Une situation paradoxale La « movida » mexicaine fascine jusqu'à certaines étoiles hollywoodiennes tel l'acteur fétiche de Quentin Tarantino, le Britannique Tim Roth apparu récemment dans deux films mexicains. « Ce qui se passe ici est incroyable. (...) On sent qu'il y a ici une nouvelle énergie, une sorte de mouvement de cinéma réaliste », déclarait en octobre dernier Roth. En dix ans, la production mexicaine a explosé. En 2000, l'année du premier film d'Iñarritu « Amours chiennes », le pays produisait environ 10 films par an. Il en est maintenant à 120 par an. Cette croissance spectaculaire s'explique par la mise en place d'un système de déduction fiscale incitatif, qui pousse les entreprises à investir. Après une période d'or entre les années trente jusqu'à la fin des années cinquante, avec des réalisateurs célèbres tels Luis Buñuel, le cinéma mexicain avait pourtant failli disparaître, usé par des décennies de mauvaises comédies qui avaient fini par lasser le public. Dans les années 90, il ne se tournait quasiment plus aucun film au Mexique. Paradoxalement, si la production a décuplé, la visibilité du cinéma mexicain reste marginale sur son territoire. Pas facile de voir un film mexicain dans les nombreux complexes cinématographiques du pays qui proposent des blockbusters américains. « Seuls un tiers des films produits sortent en salle », souligne Berjon. Et si des réalisateurs primés à Cannes, tels Carlos Reygadas, Escalante ou Franco, ont acquis une certaine notoriété en Europe, ils sont peu connus dans leur pays, faute de diffusion. En vertu de l'accord de libre-échange nord-américain (Alena), le Mexique ne peut aider la production nationale ou sa diffusion en salles sous peine d'être accusé de fausser la libre concurrence.