Le championnat professionnel de Ligue 1 Mobilis touche à sa fin. Hier, c'était de baisser de rideau de la compétition. L'USM Alger a remporté le titre après avoir outrageusement dominé les débats. Le champion a cependant vécu des moments bien particuliers après l'annonce dans ses effectifs d'un cas de dopage en début de saison. Il s'agit de Youcef Belaïli. Depuis, quatre autres joueurs ont été contrôlés positifs. La sonnette d'alarme est tirée. Horizons s'est approché du premier responsable de la Commission de lutte contre le dopage au niveau de la Fédération algérienne de football (FAF), à savoir le Dr Djamel Eddine Damardji. Dans cette interview, ce dernier dresse le bilan de la saison non sans avancer des chiffres qui donnent des frissons. Il ne cache pas, par ailleurs, son optimisme d'atteindre l'objectif de 0 cas de dopage chaque saison. Tout d'abord, quel bilan faites-vous de la saison en cours sur le double plan qualitatif et quantitatif ? Justement, il serait inconcevable d'aborder ce sujet d'une si grande importance sans l'éplucher sur les plans qualitatif et quantitatif. Je dirais donc que la Fédération algérienne de football n'a ménagé aucun effort, en ce sens qu'elle a redoublé d'efforts pour venir à bout de ce phénomène qui, faut-il le souligner, nous a pris de court en début de saison. Nous ne nous sommes pas contentés d'un travail de terrain qui consiste à effectuer le maximum de tests antidopage inopinés, mais nous avons joint nos efforts à un travail sociologique, histoire de sensibiliser davantage sur les risques de la consommation des produits prohibés. Il faut que tout le monde sache, par ailleurs, que ce problème n'est pas uniquement du ressort de la fédération. Toute l'Algérie est concernée. C'est une affaire de santé publique. Il y va du bien-être de notre jeunesse. Le football a été particulièrement touché cette saison. Plusieurs départements ministériels à l'instar de ceux de la Jeunesse et des Sports, de la Santé et de la Population ainsi que de l'Intérieur se doivent de s'impliquer dans cette bataille pour mettre fin à ce problème qui se propage à une grande vitesse parmi notre jeunesse. Ceci sur le plan qualitatif, pouvez-vous étayer vos propos par des statistiques ? Bien évidemment. On ne peut avoir une idée exhaustive sur la situation du dopage en Algérie sans avoir des chiffres. Pour mettre en exergue tous les efforts menés par la fédération dans ce sens, je vous annonce que nous avons effectué depuis l'entame de la saison pas moins de 1360 contrôles inopinés. Un chiffre pressenti à être revu à la hausse dans la mesure où la compétition n'est pas encore terminée. Sur les 1360 contrôles, 1276 ont été effectués pendant la compétition officielle. Le reste des contrôles, soit 84, a été enregistré hors compétition, c'est-à-dire pendant les entraînements. Comme nous l'avons rendu public sur le site officiel de la FAF, 5 joueurs ont été contrôlés positifs. Il s'agit, tenez-vous bien, de 2 cas de consommation de cocaïne et un autre de résine de cannabis. Pour vous dire le danger qui guette nos jeunes athlètes. Les deux autres cas positifs ont trait à la consommation d'anabolisants. Je ne cesse d'alerter sur le danger qu'encourent nos sportifs. Eu égard aux efforts grandissants consentis par l'instance fédérale pour endiguer ce fléau, l'Algérie dispose-t-elle des ressources humaines nécessaires pour un travail de terrain efficace ? Au niveau de la Fédération algérienne de football, l'on accorde beaucoup d'importance à l'aspect humain, garant par excellence de la réussite de toute entreprise. La FAF a mis en place, d'ailleurs, un programme ambitieux de formation de médecins affectés spécialement vers la lutte contre le dopage. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : outre les médecins engagés depuis la saison écoulée par la fédération pour incarner notre stratégie de lutte contre le phénomène dopage, il a été question pendant le présent exercice de la formation de 52 médecins et pas des moindres. Toutes ces compétences sont chargées de mener efficacement les orientations de l'instance fédérale afin répondre aux exigences du dossier et, par la même occasion, tenter d'atteindre les objectifs assignés. Et ce n'est pas tout. Nous sommes également impliqués dans le travail de sensibilisation. Dernièrement, nous avons pris part à des séminaires et des journées d'étude sur la problématique de dopage dans les wilayas de Relizane et de Mostaganem. Après la détection de trois joueurs consommateurs de substances prohibées pendant la phase aller, la deuxième moitié du championnat a enregistré deux cas seulement. Peut-on dire que les efforts déployés commencent-ils à porter leurs fruits ? L'on ne peut être affirmatif sur ce constat. Si le recul des cas de dopage s'installe dans la durée, force est de constater, cependant, que les prémices d'une prise de conscience se font sentir déjà. Une simple approche entre la saison précédente et celle en cours pourrait étayer mes propos. Lors du dernier exercice, nous avons effectué environ 461 contrôles pour 3 cas positifs. Nous sommes cette saison à cinq cas positifs sur 1360 contrôles inopinés. Le taux de cas positifs est passé de 0,65% au terme de la saison 2014/2015 à 0,36 % pendant le présent exercice. Justement, quels sont les objectifs de la fédération dans ce dossier épineux relatif au dopage ? Soucieuse de la santé de ses athlètes, la fédération est animée d'une réelle volonté de continuer son combat en vue de réduire davantage les cas de dopage dans le football algérien. Arriver au stade de 0 cas de dopage est l'ambition de la structure fédérale. Il faudra continuer à travailler, histoire de venir à bout de ce phénomène qui demande patience et persévérance pour espérer atteindre des résultats probants. L'USM Alger, frappée de plein fouet par ce problème après la suspension de son meilleur joueur (Youcef Belaïli) pour quatre ans, innove en la matière. Le club vient d'installer son propre laboratoire de contrôle. Un commentaire ? L'USM Alger s'est engagée efficacement dans le monde du professionnalisme. Les résultats le confirment bien. Outre ses performances dans la compétition, le club est parfaitement protégé par une gestion rigoureuse et professionnelle. L'installation d'un laboratoire de contrôle médical et de dopage est un signe révélateur sur la détermination de ce club à combattre le phénomène de dopage. Un exemple à méditer pour les autres clubs du pays. L'initiative de l'USMA doit être félicitée par tout le monde, car il prouve la prise de conscience dans cette équipe afin de ne plus retomber dans le piège de la consommation des substances prohibées par ses athlètes. Il ne faut pas oublier que la multiplication des contrôles constitue une arme efficace contre les « tricheurs » et, du même coup, une protection pour ceux qui risquent de tomber dans le piège. Je crois que l'USMA a déjà pris de l'avance sur ses pairs en matière de lutte contre le dopage. Vous avez parlé aussi de l'importance de la sensibilisation dans ce domaine. Ne pensez-vous pas judicieux l'implication de Belaïli et des autres joueurs contrôlés positifs dans une compagne de lutte contre le dopage ? Ce serait alors génial. Une idée qui mérite bien d'être développée. Inclure Belaïli et les autres joueurs qui sont tombés dans ce piège, dans la stratégie globale de lutte contre le dopage ne pourrait qu'avoir des résultats efficaces. Le joueur est un symbole qui peut beaucoup nous servir. La trésorerie de la FAF est particulièrement affectée par les coûts onéreux de l'analyse des échantillons par les laboratoires étrangers. N'était-il pas désormais nécessaire de la création d'un centre d'analyse en Algérie ? Effectivement, la fédération consent d'importants efforts financiers pour la prise en charge de l'analyse de ses échantillons par les laboratoires étrangers. La saison écoulée, nous avons dépensé environs 200.000 euros pour les analyses de nos échantillons. Nous avons travaillé, par le passé, avec le laboratoire de Lausanne qui impose des tarifs exorbitants. La FAF a confié maintenant l'analyse de ses échantillons au laboratoire situé au Qatar. Ce dernier applique des tarifs nettement moins chers. Le coût d'un échantillon est estimé à 100 dollars américains. Les frais engagés par la fédération ont diminué approximativement de moitié. Pour revenir à votre question, il existe un centre antidopage dénommé ANA (Agence nationale antidopage). Sauf que celle-ci n'est pas encore fonctionnelle. Je vous laisse le soin de conclure... Au risque de me répéter, le problème du dopage dans le sport algérien n'est pas uniquement l'affaire de la fédération. Il faudra une prise de conscience générale. D'autant que le fléau touche également les autres disciplines. Le risque est tel qu'il faudra rester vigilant de manière permanente. Chaque athlète qui tombe dans le piège du dopage est une perte pour le sport algérien. Il faut ajouter aussi les risques sur la santé des athlètes. Ces derniers pourraient être victimes de mort subite, de stérilité et de maladies cardiovasculaires. Les cas de mort subite ne cessent d'être répertoriés. Même si l'enquête n'a pas encore révélé ses conclusions, le décès de Patrick Ekeng sur un terrain de football en Roumanie est, selon moi, une mort suspecte.