Ils sont parmi les premiers bénéficiaires de la formule AADL. Des cadres pour la plupart qui habitent cette cité de l'est d'Alger depuis plus d'une dizaine d'années. Mais ils s'y sentent toujours étrangers et n'arrivent pas encore à s'adapter à cette nouvelle vie. Les soirées du Ramadhan en sont la parfaite illustration. Ici, c'est chacun pour soi. La cité est pourtant animée, de jour comme de nuit, surtout avec le passage du tramway et l'ouverture d'un grand centre commercial qui attire un monde fou. Adoptant une attitude casanière, la majorité des habitants conçoivent le lieu comme une cité dortoir, sans plus. Pourtant, même des collègues de travail qui habitent, parfois, à quelques mètres l'un de l'autre, n'arrivent pas à se rencontrer dans leur quartier. En fait, la notion de quartier n'existe pas dans leur lexique. Hamid, la cinquantaine, avoue ne pas comprendre cette situation. « C'est vrai, il y a au moins une dizaine de collègues qui habitent ici et je les croise rarement. Je ne sors jamais, sauf pour aller faire des courses et je suppose qu'eux aussi ne sortent pas. Je les croise souvent à Alger-Centre, mais rarement ici. Je me suis fait à cette vie. Durant les soirées du Ramadhan, je suis collé à la télévision, pour suivre les matches de football ». D'autres préfèrent aller faire la prière des tarawih, seuls, sans se poser de question. Farid reconnaît que cette situation n'est pas normale, mais il se console avec les week-ends. « Je vais au bled, j'emmène les petits qui adorent s'y rendre, sinon, ici, c'est juste pour me caser ». S'il est vrai que la cité ne dispose pas de commodités à même de faire sortir les habitants de leurs tanières, il n'en demeure pas moins qu'il existe quelques cafés, en plus d'un boulevard très animé sur la route menant vers Bordj El Kiffan, ou encore, dans la très proche Bab Ezzouar. Saïd, lui, ne connaît même pas ses voisins. « Quand je finis mon travail, je rôde à Alger-Centre, histoire d'attendre que la circulation devienne plus fluide, et je rentre à la tombée de la nuit. C'est comme ça toute l'année. Et quand l'envie me prend de sortir durant le Ramadhan, je me dirige vers le centre-ville et je ne penserai jamais faire cent pas dans ma cité. C'est incompréhensible, mais c'est comme ça ! » Heureusement que les enfants ne suivent pas leurs parents et vivent à fond les soirées ramadhanesques. Eux, se connaissent parfaitement et s'organisent pour des jeux et autres parties de football qui durent jusqu'à l'aube. La plupart d'entre eux sont nés dans cette cité et pour eux, c'est leur quartier, leur identité et ils tiennent à le signaler. « C'est un quartier, comme tous les autres », lance Houssam, la dizaine, « on s'est connu ici, avant d'aller à l'école ensemble et c'est un plaisir de se retrouver tous les soirs du Ramadhan pour jouer ensemble ». Mais, en dehors des chérubins, l'ambiance dans la cité est surtout faite par les clients du centre commercial qui viennent de partout et garent n'importe où, mais aussi par le va-et-vient incessant du tramway qui traverse la cité et qui rappelle à ses habitants que la vie continue un peu partout.