Des tensions sont alors apparues entre les Etats-Unis, coupables de refus d'extradition de l'ennemi juré, Fethullah Gülen. Pour la première fois depuis le coup d'Etat avorté du 15 juillet dernier, un contact a été noué par le chef d'état-major interarmées américain, Joseph Dunford, qui s'est entretenu, hier, avec le chef d'état-major, le général Hulusi Akar, puis, en fin d'après-midi, avec le chef du gouvernement turc Binali Yildirim, selon l'agenda arrêté par le Premier ministre. Au cœur de cette visite, la question lancinante de l'extradition du prédicateur Fethullah Gülen, notamment après la réception par les Etats-Unis des documents présentés par Ankara. Sera-t-il sacrifié sur l'autel des intérêts stratégiques suscitant les inquiétudes d'un général américain de haut rang sur les conséquences des purges, notamment dans l'armée, sur la coopération contre le groupe terroriste Daech ? En tout état de cause, le chef d'état-major interarmées américain sera aussi du voyage dans la base turque d'Incirlik. La question de la candidature turque est également sérieusement évoquée par l'Union européenne priée par Erdogan de « se mêler de ses affaires » et regrettant l'absence de soutien manifeste des dirigeants européens. Mais il semble que le nœud gordien de l'afflux des migrants, régis par un accord UE-Turquie, pèse sur l'issue d'un partenariat davantage compromis par le rétablissement de la peine de mort érigé en ligne rouge par le président de la Commission Jean-Claude Juncker. Dès le 18 juillet, il avait prévenu que cette décision signerait « la fin des négociations d'adhésion ». Cette mesure, réclamée par la base du Parti de la justice et du développement, sera soumise au vote au Parlement dominé par l'AKP (317 sièges sur 550) soutenu par le Parti de l'action nationaliste (MHP, 40 sièges). Signe des tensions accrues : la convocation, hier, du chargé d'affaires allemand à Ankara au lendemain de la manifestation de soutien des milliers de partisans d'Erdogan interdit de s'exprimer par vidéo par la Cour constitutionnelle allemande et contraint d'intervenir à travers un message lu lors du rassemblement. La police allemande avait refusé également que des responsables de premier plan au gouvernement turc participent à la manifestation. Le seul à avoir été autorisé à s'y exprimer a été le ministre de la Jeunesse et des Sports, Akif Cagatay Kilic. Berlin qui a minimisé la convocation de son chargé d'affaires qui n'a rien « d'exceptionnel », selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Martin Schäfer, affiche son inquiétude. Dimanche, sur les colonnes du journal Süddeutsche Zeitung, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, a nettement exprimé le refus d'« importer les tensions politiques intérieures de la Turquie chez nous ». Au plus bas, les relations turco-allemandes connaissent une détérioration accrue. Le coup de semonce du chef de la diplomatie allemande, dénonçant les purges qui « dépassent toute mesure » et estimant qu'« on ne pouvait se taire », traduit le malaise entre la locomotive européenne et l'allié turc sûr de son rôle incontournable dans l'Otan et sa contribution dans le reflux des migrants.