On dit souvent que les paroles s'en vont et les actes restent gravés à jamais. De cet avis, le comédien professionnel et directeur artistique au TRS (Théâtre Régional de Skikda), Saïd Zennir se rappelle «comme si c'est aujourd'hui», dit-il, d'Abdelkader Alloula. Il témoigne : «Alloula était l'un des rares hommes de théâtre qui ont tenté de mettre cet art au diapason des mutations socio-culturelles et intellectuelles du pays. Mieux encore, il a simplifié le concept du théâtre, notamment avec son monologue «Homk Salim» (la folie de Salim (adapté par Abdelkader Alloula de «Journal d'un fou» de Gogol). J'étais à l'époque jeune. Je me rappelle de ce spectacle que Alloula avait animé dans un bus. J'étais subjugué par son interprétation qui a duré trois heures. Il était doué dans son domaine. Il a toujours été à l'écoute tant du public que des petites gens, avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire, et comme unité de but, la théâtralisation des faits de société ». Ce même interlocuteur poursuit «J'ai eu la veine de côtoyer en personne Abdelkader Alloula mais je l'ai connu et découvert à travers son répertoire théâtral que j'ai beaucoup apprécié. L'évoquer aujourd'hui me remue, c'est un honneur pour moi». La meilleure façon de rendre hommage, selon lui, à Abdelkader Alloula, est que son œuvre soit étudiée et enseignée. C'est aussi avec beaucoup d'émotion que Saïd Zennir a revécu les moments de bonheur en replongeant dans le souvenir. Il souhaite ardemment perpétuer le travail de Alloula et encourager les jeunes troupes de théâtre, à s'en inspirer et à prendre exemple de sa persévérance et son souci de répondre aux attentes du public, en lui offrant un produit de qualité nourri essentiellement du quotidien de la société. Abdelkader Alloula est un modèle d'une personnalité pour qui, l'instruction qu'il recherchait avait pour objectif, non seulement de parfaire sa personnalité mais surtout d'être utile à la communauté afin de mettre à son profit le savoir et la connaissance. Toute sa vie, il a mené ce culte et cette quête de la culture. Le défunt Abdelkader Alloula, victime d'un attentat terroriste le 15 mars 1994 à Oran, est né le 8 juillet 1939, dans la ville côtière de Ghazaouet (wilaya de Tlemcen). Il a laissé derrière lui plusieurs œuvres théâtrales dont les plus connues sont «El khobza», qui fut son premier grand succès en 1970, et «Homk Salim» (1972) qui fut le premier monologue dans le théâtre algérien. La trilogie «El goual» (1980), «El Ajouad» (1984) et «Lithem» (1989) représente sans nul doute le noyau principal de l'œuvre de Alloula et l'aboutissement d'un travail de longue haleine et le fruit d'une recherche en continu. Rappelons qu'en mai 2005, la Fondation Abdelkader Alloula avait organisé avec le concours de l'université d'Oran Es Senia, un colloque qui a réuni une vingtaine de participants algériens, arabes et étrangers autour de la thématique «Comment lire le théâtre de Alloula».