Sid-Ali Sekhri est un libraire qui a exercé dans les secteurs privé et public. Il a débuté sa longue carrière à l'ex-Sned. Il a géré ensuite plusieurs librairies à Alger, dont « El Ghazali », « Mille feuilles », « l'Ile lettrée » et « Omega ». Animateur des rencontres qui se déroulent régulièrement à la librairie « Chaïb-Dzaïr », il nous parle de son métier. Parlez-nous de votre métier... Je reprendrais volontiers une citation d'Elias Canetti, dans Auto-da-fé. « Un libraire est un roi, mais un roi n'est pas un libraire. » La librairie est un maillon important de la chaîne du livre, mais peu connue. Sa spécificité est d'être à la fois un espace commercial et de médiation culturelle. Le libraire professionnel est autant gestionnaire qu'animateur. Il développe une activité incessante avec différents partenaires (éditeurs, distributeurs, importateurs, auteurs et médias). Sans lui, on ne peut avoir une idée exacte de l'état du marché du livre, de la demande diversifiée du public pour proposer une offre répondant aux besoins et aux attentes de ces Martiens que sont les lecteurs. Quelles sont vos difficultés ? La librairie doit être par définition un espace de convivialité, de rencontres, de débats et d'échanges. Elle reste confrontée chez nous à d'énormes difficultés d'approvisionnement, à une marge commerciale insuffisante, à une fiscalité contraignante à des loyers exorbitants. A cela s'ajoutent la concurrence déloyale d'internet, le « cancer » de la photocopie, la formation du personnel, l'absence de remises qualitatives et quantitatives, les délais de paiement et le poids financier des stocks invendus... Beaucoup ont une vision romanesque d'une librairie et omettent ces problèmes réels. Faut-il une formation particulière pour devenir libraire ? On ne naît pas et on ne s'improvise pas libraire, on le devient. Il faut être un grand lecteur, curieux intellectuellement, avoir une passion pour le livre et aimer le contact humain. Que pensez-vous de nos librairies ? Une librairie a besoin de vrais professionnels et partenaires, de leurs compétence et dynamisme pour proposer des ouvrages à des prix tenant compte du pouvoir d'achat. Les pouvoirs publics ont un rôle important dans la mise en place des conditions économiques, juridiques et de formation pour la profession. Quel bilan faites-vous de votre aventure ? Longtemps éditeur et libraire, j'ai contribué avec la direction de l'Anep au lancement d'une librairie au standing international. « Chaïb-Dzaïr » comprend une biblio-diversité très riche. On y trouve des ouvrages d'histoire, des romans, des essais, de la poésie, des ouvrages de sciences et techniques, sans oublier le coin enfants. Pour fidéliser la clientèle, la librairie a mis en place une politique de diversité des titres, une disponibilité permanente, une signalétique efficace, un mobilier adapté, un éclairage adapté aux livres, la climatisation, une base de données informatisée, des conseils avisés du personnel formé au sein de l'entreprise et des tables thématiques. Vous animez régulièrement des rencontres à la librairie. Parlez-nous de cette expérience ? Nous organisons des ventes-dédicaces, des présentations de livres, des conférences, des hommages et des débats surtout sur l'histoire. Nous avons enregistré, en cinq mois d'activité, soixante manifestations.
Dans une récente rencontre, vous avez jugé faible la participation de la femme à l'écriture de l'histoire de la guerre de Libération. Pourriez-vous revenir sur le sujet ? J'ai, certes, relevé l'absence d'historiennes, notamment pour la période 1954-1962. Contrairement à ce que croient certains éditeurs, la femme est capable d'être dans l'objectivité et l'universalité. On ne peut pas la figer dans la subjectivité. Considérez-vous que le livre numérique soit une menace ? La photographie n'a pas éliminé la peinture, ni la télévision, le cinéma. Le numérique pourra cohabiter harmonieusement avec le support papier.