Kateb Yacine serait-il à la mode ? Il aura fallu de nombreuses années après sa disparition, en ce 29 octobre de l'année 1989, pour remettre ce grand auteur classique à la page, alors qu'il ne devait jamais en être autrement. Mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais ? Passe encore qu'il ne soit pas enseigné à l'école, exception faite à l'université, puisque l'œuvre du père de « Nedjma » fait l'objet d'un module entier dans le département de langues étrangères, section lettres françaises. Et pour beaucoup, c'est la découverte première d'un romancier qui aurait pourtant gagné à être connu dès les ultimes balbutiements scolaires, au même titre que Abdelhamid Ibn Badis ou encore Moufdi Zakaria, pour n'évoquer que cette écriture révolutionnaire mise en exergue et chantée par des générations entières. Puisque même Kateb Yacine — au contraire de ce qui a toujours été véhiculé, parce qu'il écrit en français, l'étiquette qui a longtemps collé aux écrivains de sa génération — s'est armé de mots pour dire sa pensée du joug colonial, emboîtant du roman aux Mammeri, Feraoun, Dib, versé tout autant dans l'écriture de combat en ces années 1950 où l'on assiste à la naissance d'une littérature algérienne d'expression française. Une autre manière de prendre part à la lutte contre le colonialisme et qui plus est, en usant des mots de l'Autre, pour unique arme de dénonciation, de rejet et de reniement. Il y a eu bien sûr cette étude particulière consacrée à ses écrits, roman, théâtre... par la grande Ecole normale algérienne dans les années 1960, dont les futurs enseignants, les normaliens comme on les appelait à l'époque, les meilleurs ont eu cette chance de déflorer son œuvre, les doyens, en quelque sorte, et d'en être congratulés lors de la remise du défunt Prix de la ville d'Alger... Kateb Yacine aura été une véritable révélation pour ceux et celles qui n'en avaient qu'entendu parler jusque-là. Et c'est précisément après l'ouverture démocratique, à l'ombre d'Octobre 1988 que les langues se sont approprié son souvenir tout frais, celui d'un intellectuel inscrit dans la mémoire collective désormais. Ses œuvres, après une longue éclipse, sont revenues sur les étagères des librairies, des maisons d'édition ont réédité ses œuvres épuisées depuis longtemps, des amis et néanmoins grands intellectuels ont revisité son œuvre plurielle, dressé le portrait de Yacine, à l'image de l'artiste-peintre Benamar Mediène, qui a fait de même d'ailleurs avec Issiakhem... il y a eu même traduction de ses romans en langue arabe, une tentative de faire découvrir l'écriture katébienne par le lectorat arabophone. « Nedjma », son œuvre majeure, est longtemps restée incomprise. Classée dans le nouveau roman, elle conte l'Algérie comme jamais aucun écrivain ne l'a fait. Au théâtre, il y a l'adaptation de sa pièce théâtrale « L'Homme aux sandales de caoutchouc », « Mohamed prends ta valise », ou encore « Palestine trahie ». Pluridisciplinaire, Yacine a été aussi l'initiateur du théâtre de Sidi Bel-Abbès où il a monté sa propre troupe. « La poudre d'intelligence » est une de ses autres productions théâtrales...Kateb Yacine pluridisciplinaire, il l'aura été, entre écrits journalistiques, poésie, théâtre, roman... une floraison d'œuvres qui date de la fin des années 1940 et qui n'a pas besoin d'être remise au jour pour être du goût du jour.