Photo : Makine F. Le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, s'est longuement étalé, hier, lors d'une conférence de presse animée au lendemain du sommet de la tripartie, sur les réformes politiques auxquelles a appelé le président de la république. De prime abord, le chef de l'exécutif a souhaité voir tous les acteurs politiques, partis d'opposition compris, participer aux consultations pour donner leurs avis sur la question. M. Ouyahia a estimé qu'émettre un point de vue sur ces réformes ne contredit en aucun cas le droit d'être dans l'opposition, tout en s'étonnant qu'on ait demandé à l'armée d'être la gardienne de la Constitution. Dans la foulée, il a précisé que l'Algérie a décidé souverainement, et sur instruction de son président, d'initier des réformes politiques. «Je souhaiterais que l'opposition puisse contribuer activement par des idées et des propositions claires à la réussite des consultations et mettre à l'épreuve les engagements pris par l'Etat», a déclaré M. Ouyahia. Tout en soulignant qu'il suit le travail de la commission chargée des consultations, il a indiqué que «le gouvernement aura toute la latitude de mettre en oeuvre ces engagements». Dans le même contexte, il a assuré que le Premier magistrat du pays est déterminé à mener à terme ces réformes. Par ailleurs, il a démenti l'information, selon laquelle les terroristes emprisonnés bénéficieront d'une amnistie. «Je démens officiellement cette rumeur», a-t-il dit, notant que le chiffre avancé de 4.000 détenus ne reflète pas la réalité, et a assuré que le chiffre réel était très inférieur et représenterait moins de 10% de ce prétendu total. Par ailleurs, M. Ouyahia a affirmé que le général à la retraire Khaled Nezzar, qui a fait des déclarations récemment, parle en son nom. Sur un autre plan, il a estimé que l'Algérie a pu maîtriser l'ordre public et que la police n'a même pas fait usage de grenades lacrymogènes, en rappelant que l'état d'urgence n'a jamais été un obstacle pour le processus démocratique et de développement. Selon lui, la vague de protestations qu'ont connue certaines régions du pays début janvier est due «aux problèmes de logement, de chômage et les conflits d'intérêts des lobbies de l'économie factice qui luttent pour leurs intérêts au détriment de ceux de l'économie nationale». A titre d'exemple, a-t-il dit, 120.000 demandes de logements sociaux ont été enregistrées dans la capitale, alors que des milliers de demandes d'emploi ont été déposés par les jeunes chômeurs. Sur un autre plan, il a précisé que la situation en Algérie est complètement différente de celle de certains pays de l'Afrique du nord qui ont connu des perturbations, ces derniers mois. A ce propos, il dira que l'Algérie, qui compte pas moins de quarante partis politiques, quatre-vingt quotidiens et soixante syndicats, a franchi des pas indéniables dans le processus démocratique. Le premier ministre a, par ailleurs, salué la solidarité populaire face aux enlèvements de citoyens dans la région de Kabylie, la qualifiant d'attitude civilisée. La solidarité citoyenne participe grandement à la préservation de la paix et de la sécurité dans n'importe quelle région du pays, a indiqué M. Ouyahia. Après avoir souligné que «L'Etat accomplit son devoir mais a besoin de la solidarité des citoyens», M. Ouyahia a salué le retour des éléments de la gendarmerie nationale dans la région de Kabylie pour préserver la paix et la sécurité à l'instar des autres régions du pays. «Les enfants d'Algérie dans l'armée, la gendarmerie et les groupes d'autodéfense qui décèdent dans la région de Kabylie, sont des Algériens qui meurent en défendant leur pays», a-t-il poursuivi. L'Etat, a-t-il dit, a «réduit l'activité terroriste avec l'aide du peuple, ajoutant que l'union des citoyens dans le mont Djurdjura ou à Bejaia aux côtés de l'armée et de l'administration pour faire face au terrorisme, permettra l'élimination de ce dernier en moins de 6 mois.Par ailleurs, il a affirmé que le gouvernement soumettra bientôt une loi organique sur une représentation féminine de 30% dans les assemblées élues. Sur un autre plan, M. Ouyahia a estimé que le bilan sur le climat des affaires qu'il a dressé lors des travaux de la tripartite, n'est pas un constat d'échec, mais une réalité que le gouvernement assume au côté du monde des affaires. «Nous accusons des retards en matière de climat des affaires, et le bilan est le fruit d'une étude de la Banque mondial, commandée par la Banque d'Algérie», a-t-il dit. A la question de savoir où en est la coopération entre les pays du Sahel aux plans militaire et sécuritaire, M. Ouyahia a affirmé que celle-ci est effective et que la coordination entre les pays de la région se fait à travers une instance commune qui réunit les chefs d'Etat major des pays de la région. Les pays du Sahel, a-t-il estimé, «ont un intérêt commun et tout ce qui touche cette ceinture touche tous les pays de la région». M. Ouyahia a affirmé qu'en plus de la coopération sécuritaire, les pays du Sahel travaillent en étroite collaboration en matière de lutte antiterroriste, rappelant la convention entre l'Algérie et le Mali dans ce domaine. En outre, M. Ouyahia a indiqué qu'il existe une coordination entre les pays de la région et d'autres pays européens, notamment dans le cadre de la coopération internationale de lutte antiterroriste. S'agissant de la circulation des armes dans certains pays du Sahel, M. Ouyahia a souligné que même le Mali a estimé que celles-ci proviennent de la Libye. Et au chef de l'exécutif de s'interroger si les attentats terroristes ayant ciblé certaines régions du nord du pays n'ont pas un lien avec les événements qui se déroulent dans ce pays. En ce qui concerne l'insécurité en Kabylie, il a appelé la population à plus de vigilance et à la conjugaison de tous les efforts pour mettre à un terme à ce fléau.