Une femme en tenue traditionnelle accompagnée de cinq musiciens, des jeunes pour la plupart, entre en scène. Soraya Sbiri, pur produit du Malouf constantinois, n'a pas besoin de s'exprimer par des mots, elle les chante plutôt en vers. Une voix magnifique exalte et reprend «Kcentina Nahwak», une chanson dédiée à la ville. Vendredi soir, le public était venu en force pour le coup de départ de la troisième édition du festival international de Malouf au théâtre régional de la ville. Plusieurs personnalités locales et étrangères étaient présentes : cinq walis de l'est, des représentants du ministère de la Culture ou encore des grandes figures de la musique andalouse telles que Hamdi Benani. Avant d'annoncer le coup d'envoi officiel du festival, M. Boudiaf, wali de Constantine, déclara : «Quand quelqu'un veut accomplir le pèlerinage il va à la Mecque, et quand il veut écouter du Malouf il va à Constantine». La première partie de la soirée était assurée par l'Orchestre régional de musique andalouse, conduit par Samir Boukredera. Ce dernier connu dans la ville des Ponts, pour sa dévotion à cette musique mais aussi comme étant un grand musicien et formateur, était sans doute entouré de la crème des jeunes talents dont Abbas Righi par exemple. Une ouverture musicale par «El Achraf» puis «Dir El Widam fi Kaas» et «Hasn El Adari», le public était conquis et surtout rassuré de voir que Boukredera veille sur une jeunesse qui incarne déjà la relève de demain. Changement de décor et de style en deuxième partie. Le Liban était à l'honneur, son ambassadrice est une grande dame, intellectuelle, docteur universitaire (spécialiste des musiques ethniques) mais aussi la diva arabe du moment. Ghada Shbeir lauréate de plusieurs prix internationaux, a bouleversé l'atmosphère du TRC. Infatigable, elle a interprété avec son orchestre une douzaine d'anciens Mouchahat et de Taktoukats, modernisés et arrangés par des grands musiciens au 20e siècle. On peut citer Behdjet Errouh, Ya Tara Baâd El Biaâth, Tif Ya Diri ou Ya Aakida El Hajibaïn en hommage à Faïrouz. Au final, on n'en garde qu'émotion et émerveillement en écoutant Ghada, c'était tout simplement extraordinaire. A chaud, Ghada Shbeir, nous a livré ses impressions après son concert : «Le public algérien est très intelligent, il sait écouter, il apprécie par exemple les improvisations, ce qui est important pour un artiste». La Libanaise qui est musicologue, connaît forcément la musique Malouf, mais pour elle le registre de cette dernière est différent des autres musiques arabes : «Le Malouf est une forme musicale traditionnelle que je respecte énormément, mais j'avoue que c'est une musique très spéciale et très difficile. Je pense qu'il n'y a que les Maghrébins pour le faire», conclut-elle. La première soirée fut donc abondante et variée, le public a pu admirer et découvrir de jeunes talents, et savourer la voix chaude et harmonieuse de Ghada Shbeir.