Photo : Fouad S. Le ton avait été donné bien avant la tenue de la tripartite par les différentes déclarations, notamment celles des différents représentants des organisations patronales ainsi que par les dirigeants de la Centrale syndicale, qui laissait entendre que le cadre de cette tripartite n'allait pas donner lieu à des négociations pour arracher, faire céder ou exercer des pressions. Et c'est bien d'un dialogue dont il a été question autour de points urgents, d'autres prioritaires, sur la gestion desquels le consensus était déjà là. Il semble bien, en effet, que le pacte social qui a été instauré ces dernières années entre les différentes parties prenant part à ce dialogue, ait atteint un stade de maturité, installant entre les parties au dialogue, plutôt que des barrières de méfiance et d'adversité, une sorte de complicité autour des mêmes enjeux et à l'issue des travaux, autour des mêmes solutions. Voulue principalement comme une rencontre portant des enjeux et des attentes à caractère social, cette tripartite fut néanmoins également l'espace de grandes décisions à caractère économique. D'ailleurs, le Secrétaire générale de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd a bien fait la part des choses en affirmant, à l'issue de la rencontre, que « la victoire de cette tripartite, c'est la victoire des salariés et des gestionnaires». Il semble bien que de ce point de vue-là, on ait tenu, d'un commun accord, gouvernement et partenaires sociaux confondus, à harmoniser les décisions de façon à ménager la chèvre et le chou, tout en envisageant, telles que les préconisations le suggèrent, les mesures à caractère économique comme des mesures à ricochet social, puisque l'enjeu principal, c'est de préserver et dynamiser l'outil de production et de promouvoir la création de centaines de milliers d'emplois. LE SNMG RELEVE Attendue avec beaucoup d'intérêt par les salariés, l'augmentation du Salaire national minimum garanti a été finalement décidée lors de la tripartite, faisant passer le SNMG de 15 000 à 18 000 DA. Ce qui ne fait, en partie, que répondre à l'impératif de stabilisation du front social, en permettant aux salariés à faible revenu de faire face à la cherté de la vie et aux effets de l'inflation. Très attendue aussi, l'abrogation de l'article 87 bis a été remise à d'autres échéances et l'enjeu de cet atermoiement n'est pas des moindres, puisqu'il s'agit de se donner suffisamment de temps pour analyser et évaluer l'impact d'une telle abrogation sur le système des salaires dans son ensemble, afin d'en maîtriser, après coup, les effets dévastateurs qui en résulteront, surtout sur les entreprises qui ne pourront pas faire face à ses implications financières directes sur la masse salariale. Celles-ci sont en effet très nombreuses, qui peinent déjà à assurer leur survie face à une concurrence féroce des produits importés et une masse salariale de plus en plus importante qu'elles n'auraient jamais pu viabiliser n'étaient les mesures d'aide et de soutien des pouvoirs publics auxquelles viennent s'ajouter celles décidées lors de cette tripartite. En tout cas, il faut préciser que cette mesure d'ordre salarial qui vient, sinon bouleverser le niveau de vie des travailleurs, du moins soutenir, conforter des attentes et préserver un certain niveau de décence sociale, n'en suppose pas moins, de la part des salariés, une réponse appropriée, consistant dans la contribution de chacun à l'augmentation de la productivité. Face à l'enjeu de stabilisation du front social, vient celui de la préservation et le développement de l'appareil de production. LES ENTREPRISES CONFORTEES Le réalisme et une certaine vision panoptique ont caractérisé les décisions qui ont touché et concerné les entreprises. Le rééchelonnement des dettes fiscales des entreprises, notamment en difficulté, est une mesure réaliste, car elle sauve et préserve à la fois une partie du tissu économique et sa masse salariale, ainsi que la fiscalité due à l'Etat par ses entreprises qui pourront, plus tard, la restituer à la collectivité quand elles se seront renflouées, alors qu'elles auraient pu tout simplement disparaître, sans que l'Etat ne puisse recouvrer des fonds fiscaux qui appartiennent à tous les Algériens. Réalistes aussi, des incitations à l'exportation hors hydrocarbures et des allègements fiscaux, devraient favoriser l'émergence d'entreprises exportatrices fortes du sentiment d'être soutenues dans une initiative, l'une des plus essentielles, si elle est démultipliée, pour l'économie algérienne. D'où l'idée que toutes les mesures prises dans ce sens, dans le cadre de cette tripartite, sont les bienvenues, et celles du couloir douanier vert pour l'exportation hors hydrocarbures et l'allongement des délais de rapatriement des recettes des exportations ne sont pas des moindres. L'ADMINISTRATION DOIT JOUER LE JEU Des membres du patronat prenant part à la tripartite n'ont pas manqué de mettre en exergue un certain décalage entre la volonté marquée des pouvoirs publics de soutenir et de promouvoir l'entreprise et le rythme avec lequel l'administration prend en charge la gestion et le conduite des décisions ainsi prises. Un processus auquel les chefs d'entreprise voudraient être associés au plus haut degré afin d'en assurer la prise en charge dans la transparence et la célérité. Gageons qu'il ne sera pas dit, pour cette tripartite, qu'il s'agit du point qui n'a pas été pris en charge. Après tout, la mise en œuvre, c'est l'étape la plus importante et ceux chargés de son exécution doivent intégrer l'ampleur des enjeux innombrables et primordiaux que suppose la dynamisation de l'économie nationale, qu'il s'agisse de secteur privé ou de secteur public. D'ailleurs, la recherche des voies et moyens d'assurer la stabilité de l'économie et d'asseoir durablement la croissance, passe par le renforcement de la capacité des entreprises à créer des richesses et des emplois, la finalité étant, à terme, de créer un appareil productif en mesure de se substituer aux importations et de constituer une réelle alternative économique à un rôle que la rente pétrolière ne peut indéfiniment jouer.