Les pages sportives des journaux ont toujours bénéficié d'un préjugé favorable auprès des lecteurs. À tort ou à raison, il a toujours semblé qu'il y avait en la matière moins d'écarts avec la vérité et peu de manipulations. La presse sportive a pourtant connu une longue période de bouderie. L'ouverture démocratique qui a permis une liberté de ton et de parole sur des sujets jusque-là tabous et les piètres résultats des équipes nationales et de nos clubs avaient accentué la désaffection. L'histoire, l'idéologie ont eu momentanément raison du sport. Dans les années 90, parier sur une publication sportive était risqué. Nos confrères d'El Watan et du Soir avaient vite mis fin à l'expérience de l'hebdo Olympic. Le sport lancé par El Moudjahid n'avait pas tenu longtemps. Beaucoup de titres ont depuis disparu à l'image d'El Mountakheb ou Match. Autres temps, autres mœurs, il suffit de jeter un coup d‘œil autour de soi. Les Algériens sont redevenus de grands lecteurs de pages sportives, et les ventes ont explosé. Il n'est même plus rare de voir des jeunes filles et des vieux feuilleter attentivement les pages de Compétition et d'El Heddaf. Notre confrère El Khabar s'apprêterait même à lancer un quotidien sportif. La remontée avait, à vrai dire, commencé il y a une dizaine d'années. La reprise des championnats, l'organisation de compétitions internationales comme les Jeux arabes et africains avaient réconcilié les lecteurs avec le sport national. L'engagement de clubs algériens dans les coupes arabes et africaines avait également suscité un intérêt qui s'est vite répercuté sur les journaux sportifs. Les enjeux financiers ont ensuite aiguisé bien des appétits Les publications, qui étaient au début des hebdomadaires, sont vite passées à une périodicité quotidienne. L'aventure de l'équipe nationale n'a fait que conforter et donner plus de visibilité et d'éclat à ce mouvement. Nous assistons, dans la foulée, à l'apparition de chansons inspirées et dédiées au onze national. Jamais dans notre pays, où l'offre de loisirs n'arrive pas à concurrencer l'attrait du sport, la presse sportive ne s'est autant mieux portée. La médaille a pourtant son revers. Le football a complètement escamoté les autres sports qui, en d'autres temps, ont pourtant valu titres et satisfactions au pays. Beaucoup d'observateurs reprochent aussi à cette presse son influence à tous les niveaux. Pis encore, parfois un procès lui est intenté. D'aucuns lui reprochent d'alimenter la spirale de la violence en personnalisant les enjeux. Certains titres arboreraient des appels au lynchage de l'équipe adverse et flatteraient les bas instincts du public. Dans bien des occasions, l'éthique sportive est superbement ignorée, voire piétinée. Le sport n'est certes plus ce qu'il était, il a pris des dimensions commerciales, politiques; et la presse, à sa décharge, ne fait que suivre cette pente glissante.