Le deuxième colloque international sur les essais nucléaires effectués par la France en Algérie s'est poursuivi hier, en ouvrant un grand débat autour de l'aspect juridique de cette question. A ce sujet, l'avocat français Jean-Paul Teissonnière estime que le traitement juridique des essais nucléaires effectués par la France ne peut être pris en charge par le parlement français. «Le parlement n'est pas apte à régler la problématique des indemnisations car c'est un problème interne qui détient du domaine international», dit-il avant d'ajouter que la loi sur les indemnisations a été élaborée d'une façon «choquante». «Dans la loi, l'Algérie n'est mentionnée nulle part. Même quand la France évoque les essais nucléaires qu'elle a effectués, elle cite le centre militaire de Sahara, sans jamais prononcer le mot Algérie. Elle agit comme si l'Algérie n'a jamais été indépendante. Jusqu'à présent, la France ne reconnaît pas qu'elle a effectué des essais dans un pays souverain alors ces essais se sont poursuivis jusqu'après l'indépendance», dit-il L'universitaire Mohamed Mahieddine qualifie la loi française comme une loi ambiguë qui n'est pas claire comme c'est le cas des textes sur l'indemnisation britannique et américaine. « La loi exclut les victimes algériennes mais c'est une étape importante pour nous car elle confirme, indirectement, la reconnaissance tacite de la France. Du point de vue de la législation internationale, la France sera obligée d'élargir la loi aux victimes algériennes». « La France, rappelle-t-il, a enfreint la loi internationale de l'ONU sur la sécurité en effectuant des essais atmosphériques. Mais, rusée comme elle est, elle a pu échapper aux foudres internationales en signant notamment en 1997 le traité d'interdiction totale des essais nucléaires.» Pour sa part, l'universitaire Azzedine Zallani table sur la reconnaissance par la France, par une loi législative, avec modalité de prise en charge, pour que la réparation puisse être faite envers les victimes algériennes. «Mais pour cela, l'Algérie doit s'engager dans des actions judicaires au niveau des tribunaux internationaux. Car du point de vue de la compétence des tribunaux algériens, et en l'absence d'un dispositif conventionnel bilatéral, le vide juridique ainsi étalé, contribue à maintenir une situation de non-droit pour une population exposée. Mais d'ores et déjà, l'Algérie peut prendre des mesures préventives pour stopper les dommages nucléaires», conclut-il en insistant également sur la nécessité de mettre la main sur les archives que le France a en sa possession. A ce propos, l'avocate Fatima Benbraham relève les obstacles qui entravent toute tentative de se procurer ou, du moins, consulter les archives concernant l'Algérie. « La loi de 1979 permet au public de consulter les archives. Mais sur le terrain, c'est autre chose. Nous avons demandé à consulter certains documents sur l'histoire de l'Algérie, on nous a demandé de revenir dans 30 ans ! Nous avons demandé de consulter le dossier judiciaire de Ahmed Zabana, notamment, on nous a demandé de revenir dans 100 ans ! », confie-t-elle. Des documents que l'universitaire Boualem Belkacemi juge nécessaires pour la constitution de dossiers judiciaires. « Cette affaire finira dans les tribunaux, il n'y a aucun doute là dessus. Mais pour cela, il nous faut le plus de preuves possibles. Or, les preuves se trouvent dans ces archives !»