Lacune n Le livre destiné à la jeunesse reste, dans notre pays, le parent pauvre de l'édition. Il y a très peu de maisons d'édition qui s'y investissent. «Ce n'est pas facile de faire les livres de jeunesse», déclare Djaouida Himran responsable des éditions Chihab Kid's, expliquant : «La concurrence du livre importé est rude et très importante.» Djaouida Himran regrette que le livre importé inonde et monopolise le marché local et que rien n'est fait, jusque-là, hormis quelques expériences, çà et là, entreprises par des initiatives individuelles, pour mettre en place des mécanismes susceptibles de créer un environnement favorable au développement de l'édition de jeunesse. «On n'a pas encore développé le secteur de l'édition de jeunesse», dit-elle, déplorant : «On ne peut compter que sur le livre importé.» Il se trouve toutefois que tant que le livre importé continue à accaparer le marché local, l'édition algérienne ne pourra émerger et se développer. Si, par ailleurs, l'édition algérienne de jeunesse peine à se structurer et à prendre de l'essor, c'est parce que le coût de fabrication du livre revient plus cher que celui de l'importation. «Et ça revient aussi moins coûteux en acquérant les droits d'auteur», confie Djaouida Himran, pour qui l'édition de jeunesse est un véritable pari, une aventure hasardeuse parce qu'elle nécessite un lourd investissement. En outre, l'absence de clients potentiels susceptibles d'amortir le coût de cet investissement freine le développement de l'édition de jeunesse. Djaouida Himran regrette, également, qu'il n'y ait pas «une édition de jeunesse authentiquement algérienne». Car les rares éditeurs qui se consacrent à ce genre de littérature, reprennent – et reproduisent – par manque de professionnalisme ou d'expérience, les classiques et puisent dans le répertoire universel. «Les livres édités en Algérie ne répondent effectivement nullement au référent culturel local», d'où d'ailleurs le souci des éditions Chihab Kid's de satisfaire les besoins culturels des lecteurs algériens, à savoir mener un travail d'adaptation du contenu des livres à l'environnement socioculturel algérien. «En achetant les droits d'auteur, on achète, par la même occasion, le droit de regard», dit-elle. Et de souligner : «Par là, on pallie les dangers de l'importation.» En l'absence d'une édition de jeunesse authentiquement algérienne, une littérature véhiculant les valeurs culturelles ancrées dans les habitudes sociales et dans la tradition algérienne ne peut se développer. Pour y remédier, les éditions Chihab Kid's s'attellent alors à en créer une et à la développer. «On a commencé par les grands classiques qui sont, d'ailleurs, incontournables, puis on passe aux contes populaires algériens qui, par leur référent, sont intéressants dans la mesure où ils aideront à construire chez l'enfant une identité culturelle authentiquement algérienne», fait savoir Djaouida Himran, pour qui il est urgent de former l'enfant algérien de demain avec sa culture et son histoire, car «nous avons perdu une part de nous-mêmes, il n'y a plus d'algérianité», constate-t-elle. «La politique de Chihab Kid's consiste à initier nos jeunes lecteurs tout en leur offrant la possibilité de s'ouvrir à la culture universelle», explique-t-elle, ajoutant : «Tout en gardant et en préservant son identité algérienne, on le prépare à être citoyen du monde.» l Djaouida Himran estime que le devoir de former l'enfant algérien de demain ne revient pas seulement à l'édition. «Il y a certes l'éditeur, mais les médias et l'école ont une part de responsabilité», dit-elle. «S'il y a vraiment une politique visant concrètement à développer le secteur de l'édition, l'éditeur suivra, parce que la demande y est», atteste-t-elle. «Il faut juste la canaliser et la satisfaire», poursuit-elle. Djaouida Himran regrette que l'école algérienne ait failli à son devoir, celui d'initier l'enfant à la lecture et, du coup, créer une dynamique dans le secteur de l'édition. «Les bibliothèques scolaires sont en mesure de redynamiser le secteur de l'édition de jeunesse, notamment par les animations et les ateliers pédagogiques», dit-elle. Déplorant que la bureaucratie au niveau de l'académie et du ministère de l'Education paralyse les animations pédagogiques parce qu'elle exige des autorisations qui souvent ne sont pas délivrées, elle regrette que «l'école décerne aux élèves premiers de leur classe des jouets au lieu de livres pour les encourager à lire». Djaouida Himran estime, en outre, que «les bibliothèques municipales peuvent aussi stimuler la lecture publique et créer, en conséquence, un environnement favorable au développement de l'édition de jeunesse.» Tout comme elle tient compte de l'apport des médias - notamment la télévision - au développement du secteur de l'édition, et ce, par le biais des programmes spécialisés et destinés aux enfants, et à travers lesquels ils seront exhortés à lire.