Résumé de la 9e partie n Eichmann est enfin en Israël où il va être jugé conformément à la loi sur les criminels nazis... Ce dernier a été installé dans la forteresse de Lyar, près de Tel-Aviv. Il en est le seul prisonnier, logé dans un appartement de trois pièces. Il est surveillé par des gardes qui se relaient deux par deux dans l'appartement même. Ils ne sont pas armés, ils ne connaissent aucune langue étrangère et ils n'ont aucun membre de leur famille en Europe. Ces précautions sont prises pour que l'un d'eux ne fasse pas justice en tuant le prisonnier. De plus, ils sont remplacés fréquemment, de peur qu'ils ne se laissent impressionner ou qu'ils n'apprennent quelques mots d'allemand. Pour éviter une tentative qui viendrait, cette fois, de l'extérieur, la forteresse a pris des allures de camp retranché. Elle est entourée de plusieurs réseaux de fil de fer barbelé. La petite cour où le détenu fait sa promenade quotidienne ne peut être atteinte par aucune arme... En revanche, il n'y a aucun problème du côté d'Eichmann. C'est un prisonnier modèle. Quand arrive un officier, il salue militairement, en claquant des talons. Chaque jour, il lave les dalles de sa cellule à grande eau et fait sa lessive, laissant sécher ses vêtements aux barreaux. Sa docilité est confondante. Au petit déjeuner, il a du café et trois tartines. Un jour, par erreur, on lui en donne six et il les mange sans sourciller. Un officier vient le voir pour savoir s'il désire désormais six tartines. II claque des talons et répond : «Je n'ai pas faim, Herr Lieutenant. Je mange ce qu'on me donne.» Comme on peut l'imaginer, des voix s'élèvent en Israël contre ce traitement de faveur. Les autorités répondent que le pays doit se comporter de manière irréprochable. Compte tenu de l'importance du procès, l'accusé doit être en mesure de présenter sa défense dans les meilleures conditions possibles... Celle-ci est assurée par un avocat allemand, Robert Servatius, de Cologne, qui a défendu le Gauleiter Sauckel, au procès de Nuremberg. Mais il ne peut parler à son client qu'à travers une vitre, au moyen d'un micro. Il n'a aucun contact physique avec lui. Les Israëliens n'ont pas oublié que Göring a échappé à la pendaison grâce à une capsule de poison que son avocat lui avait donnée. Le procès d'Adolf Eichmann s'ouvre le 11 avril 1961, à Jérusalem. Le tribunal siège dans un palais construit en gros blocs de pierre, le Beta Haam. L'aménagement intérieur est à la mesure de l'événement. L'accusé est dans une cage de verre à l'épreuve des balles et même des grenades. Des caméras ont été installées, ainsi qu'un système de traduction simultanée, pour que les cinq cents journalistes venus du monde entier puissent suivre les débats. Ils ont dû se soumettre à des contrôles draconiens : passer par des portiques, subir une fouille et suivre des couloirs où des feux verts leur ouvraient le passage... Les trois magistrats prennent place sur l'estrade du fond, le juge Moshe Landau et ses assistants Benjamin Halévy et Yitzhak Raveh. Tous trois sont nés en Allemagne et ont échappé de peu aux camps de concentration. Mais le grand moment est l'arrivée de l'accusé. C'est la surprise générale dans la salle. Au lieu du personnage effrayant qu'on attendait, on découvre un homme maigre au crâne dégarni, aux oreilles trop grandes, vêtu d'un complet bleu de confection, qu'on lui a apporté en prison. C'est Simon Wiesenthal, qui a tant contribué à ce qu'il soit là, et qui n'a pas été autorisé à le voir en prison, qui résume le mieux la stupéfaction générale : «Je m'étais forgé, écrit-il, l'image d'un surhomme démoniaque...