Des milliers de malades algériens se retrouvent sans défense face à une douleur insupportable. C'est que la notion même de douleur n'est pas prise en compte chez nous. De ce fait, rien n'est prévu pour les aider à vivre d'une façon un peu humaine avec leurs maux. Même les traitements antidouleur font défaut. Un état de fait induit par le manque de centres spécialisés et de spécialistes pour alléger les durs moments des patients. La médecine d'aujourd'hui est disposée pourtant à faire face aussi bien au traitement de fond que réclame chaque pathologie qu'aux douleurs qu'elle génère. Mais les politiques de santé publique adoptées par notre pays depuis l'indépendance semblent en déphasage avec cette évolution scientifique. La douleur ne figure même pas dans les cours dispensés au sein de nos facultés de médecine. Les quelques spécialistes existants ont, pour la plupart, suivi des études à l'étranger… Traîner une maladie a toujours une incidence sur la vie quotidienne. Cette perte de contrôle du corps est, cependant, doublement pesante lorsqu'elle est accompagnée de douleurs. Pour atténuer la souffrance de certains patients, les médecins sont parfois contraints de recourir à l'ultime solution : administrer de la morphine lorsque les autres traitements n'ont plus d'effet. Si, par le passé, le patient pouvait obtenir ce produit pendant une période d'un mois renouvelable, aujourd'hui la législation limite la prescription à une semaine. Une durée jugée très courte et préjudiciable à la fois au malade et à ses proches. Officiellement, l'argument avancé par les pouvoirs publics concernant ce délai est l'utilisation de ce produit par les délinquants comme drogue. Une solution de facilité qui permet certes de lutter contre la délinquance, mais pénalise en même temps les malades. Il s'agit, en quelque sorte, d'un dilemme : mettre un terme à la délinquance qui prend des proportions alarmantes ou atténuer la douleur des malades qui se débattent dans une situation intenable. Il faut aussi observer de plus près, le calvaire quotidien de nombreux malades pour conclure à l'échec des dispositifs mis en place. Les conditions précaires de leur prise en charge confirment la déliquescence dans laquelle baigne notre système de santé. Le traitement de la douleur doit être, pourtant, une préoccupation majeure dans les plans d'action des services de la santé publique. Cela afin de soulager les concernés, d'une part, et d'autre part, de les assister afin de faciliter la tâche aux familles qui ne savent plus à quel saint se vouer. Il est incompréhensible que, 47 ans après l'indépendance, la prise en charge de la douleur qui tenaille des milliers de malades dans la solitude et l'isolement, ne soit toujours pas prise en compte. Le peu d'intérêt qu'affichent les autorités à l'égard de la formation de spécialistes dans le traitement de la douleur, ainsi que l'absence de tout projet de création d'un centre antidouleur mettent en évidence toute l'ampleur du drame que vivent des milliers d'Algériens. Cette indifférence ne fait qu'exaspérer l'indicible souffrance des cancéreux, des grands brûlés et autres. Elle reflète en tout cas l'image d'un pays lui-même souffrant de ses choix en termes de politique de santé publique.