Contraste n Parler de l'hospitalité égyptienne, c'est aller à contre courant de tous les témoignages sur l'enfer vécu par les Algériens, notamment dans la soirée qui a suivi le match Egypte-Algérie. Pourtant, il existe bien des Egyptiens convaincus que «ces actes, œuvre d'égarés des deux camps», ne peuvent en rien entamer les solides relations qui lient les deux peuples. Ce sont justement ceux-là que nous avons eu la «chance» de rencontrer durant notre séjour au Caire. Des jeunes n'ayant pas encore atteint la trentaine mais déjà assez mûrs pour comprendre le sens du mot : amitié .Dans le quartier populeux Emad Eddine, au cœur du Caire (fi el baled), nous sommes tombés sur Sayed, propriétaire de plusieurs magasins, entre autres un café. Attablés à la petite terrasse, nous subirons d'abord les taquineries de ses employés, qui nous promettent une nouvelle défaite historique après le 5 à 2 de 2001. «Ha tetbahdalou ya aâm !» (vous allez être humiliés) ont-ils clamé. Bien sûr, notre réplique n'a pas été à leur goût : «Certes, nous avions perdu par 5 buts à 2, mais notre sélection traversait une mauvaise passe, marquée par une instabilité chronique du staff technique et des perturbations fréquentes au sein de la FAF. Cette nouvelle équipe vous a humiliés à Blida et notre victoire a plus de valeur car remportée devant… le double champion d'Afrique». Discuter de football n'intéresse plus ces jeunes. Ils préfèrent avoir des explications sur l'emblème égyptien brûlé à Blida : «Nous ne sommes pas des Israéliens, mais bien des Arabes et de surcroît des Musulmans comme vous. Pourquoi avez-vous fait ça ? C'est un acte impardonnable. Il va certainement attiser la haine entre les ultras des deux peuples». Ils nous citeront par la suite une série de sites sur lesquels on pouvait voir «haguette ouihcha aâla Masr» (des choses pas bien sur l'Egypte), notamment cette photo sur laquelle les têtes des joueurs ont été remplacées par celles des actrices égyptiennes : «Laâibina mouch sittat» (nos joueurs ne sont pas des femmes). Le dialogue durera presque deux bonnes heures. Le temps de nous prendre en sympathie et de nous inviter à revenir le lendemain. Ce qui fut fait. L'accueil est encore plus chaleureux que la veille. Nous ferons la connaissance de nouvelles têtes, notamment «Chocolata» (c'est son surnom qui ressemble à s'y méprendre à Samir Bentayeb «Chicoula», l'actuel sociétaire du CABBA). En ce deuxième jour, notre discussion déborde du football. C'est le temps de se connaître. De se découvrir. On évoquera nos joies, nos soucis quotidiens, nos situations les plus loufoques. Mais l'incontournable Egypte-Algérie est de retour dans ces chaleureuses retrouvailles. Le sujet principal : l'agression dont a été victime notre E.N. à son arrivée au Caire. Nous relatons ce dont nous avons été témoins. Nous rapportons que les joueurs ont été victimes d'un guet-apens. Ce qu'ils réfutent s'appuyant sur les commentaires de leurs journalistes : «C'est un scénario monté de toutes pièces. Vous avez saccagé le bus pour faire croire que vous aviez été agressés. Ça se voit que vous avez peur de nous.» Les répliques se succèdent dans une ambiance bon enfant. Cela durera encore deux autres jours. Jusqu'à la fameuse soirée du match. La veille, on s'était promis de se retrouver après la rencontre pour dîner. La minute qui a suivi le but de Motaâb, on reçoit un coup de fil de Sayed qui se fait un malin plaisir de nous narguer. Le jour d'après on y retourne. Nous sommes fiers de notre équipe qui a déjoué leurs pronostics. Il n'y aura ni 5 ni 4, encore moins 3 buts qui auraient scellé le sort de cette qualification. Nous leur apprenons également que des Algériens ont été, une nouvelle fois, agressés. On parle même de mort d'homme. Ils n'y croient pas. Ils préfèrent revenir sur le but de la dernière minute. Celui de la délivrance. C'est notre dernière nuit au Caire. L'heure de la séparation. Nous nous échangeons nos numéros de téléphone en nous promettant de nous revoir. Comme quoi, en Egypte il n'y a pas que des imbéciles !