Résumé de la 94e partie n L'échange entre Carmen, la femme du général Noël, et le fantôme Bien-Boâ, prend l'allure d'un échange amoureux. Des témoins affirmeront avoir vu plus d'une fois, une forme évanescente s'approcher du fauteuil sur lequel est vautrée Carmen et se pencher sur elle, comme pour la caresser ou l'embrasser. Le général Noël, présent à toutes les séances, ne s'offusquait pas que sa femme s'éprenne ainsi d'un autre. Mais il est vrai qu'il ne s'agit que du fantôme d'un homme mort il y a plus de trois cents ans ! Le rituel des séances est désormais fixé. Carmen place un ou deux médiums derrière un rideau où se trouve le «cabinet des matérialisations», puis elle les magnétise. Les assistants, assis autour d'une table, face au rideau, récitent une prière ou chantent, attendant que le fantôme apparaisse. L'attente prend quelques minutes, puis on voit le rideau bouger, signe que le fantôme est là. Il faut attendre encore un peu avant qu'il ne se matérialise. En fait, dans la pièce qui n'est éclairée que par une bougie, placée dans une lanterne rouge, on ne peut rien voir de distinct. Carmen recommande aux assistants de ne pas bouger de leur place, de faire une chaîne en se tenant la main. Il ne faut ni parler ni chuchoter et on ne chante que si elle le demande. «Et surtout, ajoute-t-elle, ne touchez jamais au fantôme s'il approche de vous, il risquerait de partir et de ne plus revenir.» Mais, elle-même ne se privera pas de le toucher sous prétexte qu'elle a une relation privilégiée avec lui. Carmen, qui prend des doses de morphine de plus en plus fortes, utilise Bien-Boâ comme un antidépresseur. Dès que la douleur devient insupportable, elle l'appelle. Et il ne manque pas de se produire, au grand bonheur des amateurs d'esprits, mais aussi de sensations fortes. Les relations de Carmen avec le fantôme se font de plus en plus intimes. Ils s'embrassent, ils s'enlacent, ils disparaissent même de longues minutes dans la pénombre de la chambre où l'on n'entend plus que des petits cris et des chuchotements. Mais il n'y a pas que des admirateurs dans l'auditoire de la villa Carmen. On accuse la femme du général de mystification. Ce fantôme, n'est-il pas sa cuisinière ou sa femme de chambre, qui surgit au milieu des séances, drapée dans des voiles évanescents ? Carmen est scandalisée et, au cours d'une séance, elle demande à Bien-Boâ de démontrer qu'il est bien un mâle. Et le fantôme le prouve en s'exposant ! Et quand le fantôme ne paraissait pas, elle sombrait dans la mélancolie ou alors elle s'emportait, malmenant son époux et les domestiques. Elle se mettait aussi à pleurer, réclamant son Bien-Boâ, comme un enfant qui réclame un jouet ou un animal familier dont on l'a privé. La dépendance devient encore plus forte quand, en 1904 les Noël perdent leur unique enfant, Maurice, mort d'une fièvre au Congo. Carmen n'est pas seulement une inconditionnelle du spiritisme : elle veut également répandre ses doctrines, apporter au monde des preuves de sa réalité. C'est pourquoi, à partir de 1902, elle correspond avec Gabriel Delanne, directeur d'une revue de spiritisme, la Revue scientifique et morale du spiritisme, qui est l'une des plus lues à l'époque. Les récits de Carmen passionnent Delanne qui communique son enthousiasme à ses lecteurs : avec Bien-Bôa, on tient la preuve de l'existence des fantômes ! (à suivre....)