Résumé de la 5e partie n De passage à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, andrin se rend chez celui qui a capturé son frère, Jacques Sigismond Moret. Il tombe nez à nez avec lui… L'employé de la Ferme se jette à genoux et tend son enfant de dix-huit mois devant lui, comme un bouclier vivant. Il implore : — Grâce ! Sans se laisser apitoyer, Mandrin tue le père et l'enfant. Après quoi, la bande franchit la frontière de Savoie au pont de Chaix. Les gâpians tentent de leur barrer le passage. Plusieurs sont tués, d'autres blessés. Le chef des contrebandiers fait don à chacun de ces derniers d'une chemise pour qu'ils puissent se panser parce que, leur dit-il, «j'ai l'âme noble». On est alors début juin 1754. Mandrin passe plusieurs semaines en Savoie et en Suisse, tant pour se réapprovisionner que pour permettre à ses hommes de prendre du bon temps avec tout ce qu'ils ont gagné. Peu avant la fin du mois, il repasse la frontière, et les circonstances vont lui permettre de donner toute sa mesure. Les Mandrins sont à Rodez le 30 juin. Là, Louis apprend une nouvelle qui change la situation du tout au tout : les fermiers généraux ont fait proclamer en chaire et afficher aux carrefours que tous ceux qui achèteraient aux contrebandiers seraient sévèrement punis. Immédiatement, le résultat se fait sentir : lorsque la marchandise est déballée, personne ou presque ne s'approche. Bien sûr, pour l'instant les gâpians ne sont pas là, mais dès que la bande aura disparu, ils reviendront et malheur à celui chez qui on trouvera des étoffes ou du tabac ! Alors, Mandrin a une inspiration de génie, qui va donner à son action et à sa personne une tout autre stature : puisque c'est ainsi, puisque la Ferme lui interdit de commercer avec le public, c'est à elle-même qu'il va vendre sa marchandise ! Sans attendre, il se rend chez M. de Raynal, l'entreposeur officiel de la Ferme pour la ville de Rodez, qui se terre dans son hôtel particulier de la rue Saint-Just, l'artère la plus huppée. En voyant arriver le bandit entouré d'hommes en armes, celui-ci croit sa dernière heure arrivée, mais Mandrin se contente de l'obliger à le suivre. Il le conduit sur la place du marché, où les produits de contrebande sont déballés. Il lui montre un tas de paquets. — Ce que vous voyez est du tabac de la meilleure qualité. Je vous l'abandonne à 40 sous la livre et je ne veux point d'autre acheteur que vous. M. de Raynal tente de protester. — Mais je n'ai pas le droit... Mandrin lui désigne d'un mouvement de tête les hommes armés jusqu'aux dents qui les entourent. — Alors, votre réponse ? — C'est oui... Combien y en a-t-il ? — Six cents kilos. Et Louis Mandrin quitte Rodez, après s'être fait remettre 2 494 livres et 5 sous... Désormais, il pratique toujours de la même manière et la Ferme devient son seul client. Après Rodez, il attaque Mende, Brioude, Nantua. A Ambert, il fait acheter par l'entreposeur des tabacs pour 1 000 écus d'or de marchandise, après quoi il a l'audace de faire enregistrer la transaction devant notaire... Le 2 octobre, il est à Bourg, avec cent douze hommes, dont quatre-vingt-seize à cheval, et se fait remettre 23 000 livres. Du coup, sa réputation s'accroît encore et change de nature. C'est à partir de ce moment qu'on le surnomme «le bandit bien-aimé». Il devient une sorte de redresseur de torts, combattant un système fiscal injuste et exécré. Ce n'est pas à proprement parler un révolutionnaire, son action ne s'accompagnant pas d'une justification politique, mais il porte des coups incontestables à l'édifice de l'Ancien Régime. (à suivre...)