Labeur n Elle se met aussitôt devant le métier à tisser et travaille si vite que la couverture est terminée à l'aube. Un travail de plusieurs semaines, exécuté en une seule nuit ! Autrefois, une pauvre veuve vivait à l'écart du village avec ses trois enfants. Elle était ainsi exposée aux bêtes de la forêt et surtout aux ogres et aux ogresses. Son fils aîné, Ali, qui n'avait que dix ans, ne pouvait prétendre assurer la défense de la famille. Or, la porte de la maison est en bois, mais un bois entièrement rongé par les insectes et qui tenait à peine sur ses gonds. Quand la nuit tombe, on tremble de peur. Les enfants se serrent dans un lit, tandis que leur mère doit veiller, devant son métier à tisser, pour tisser des couvertures et des burnous qu'elle vend aux riches du village. Un soir d'hiver, alors qu'elle travaille, la porte en bois est si violemment secouée qu'elle vole en éclats. La pauvre femme s'arrête de tisser, pétrifiée par la personne qui vient de s'introduire chez elle. Elle est si grande que sa tête atteint presque le plafond, ses cheveux sont embrouillés comme un genêt épineux, ses jambes et ses bras sont noueux comme des troncs d'arbres. Elle comprend aussitôt qu'elle a affaire à une ogresse. Elle se sent perdue et se serre contre ses enfants. — par Dieu, ne nous fais pas de mal ! s'écrie la pauvre femme. L'ogresse, la voyant terrorisée, lui dit : — Ne crains rien, je ne te ferai pas de mal ! Elle avance dans la pièce. — Au contraire, je veux t'aider... Elle se met aussitôt devant le métier à tisser et travaille si vite que la couverture est terminée à l'aube. Un travail de plusieurs semaines, exécuté en une seule nuit ! La couverture enlevée, l'ogresse se lève. — Je m'en vais, mais demain je reviendrai ! Elle revient, en effet, le lendemain et travaille à la place de la veuve. Elle revient encore les hivers suivants... Désormais, la veuve l'attend avec impatience et remercie Dieu de lui avoir envoyé ce monstre qui l'aide. La veuve peut mettre de l'argent de côté, avec les couvertures et les burnous qu'elle vend. Elle peut ainsi améliorer son quotidien et celui de ses enfants et même arranger un peu sa maison. Elle change la porte que l'ogresse a cassée par une autre plus solide. Mais désormais, c'est elle qui ouvre la porte à l'ogresse. — Entre, lui dit-elle, je t'attendais ! L'ogresse entre et se met derrière le métier. Les enfants, qui dorment, ne la voient pas, mais elle les voit. — Tes enfants grandissent, dit-elle, un jour, à la veuve. — Oui, lui répond-elle. — Ils mangent mieux qu'autrefois, n'est-ce pas ? — Oui, dit la veuve, c'est grâce à toi... Mon aîné, Ali, a quinze ans, il va bientôt travailler et m'aider ! (à suivre...)