Défis n La Guinée entre dans une délicate période de transition devant culminer dans six mois avec la première élection présidentielle libre du pays depuis son indépendance en 1958. Après plus d'un demi-siècle de régimes autocratiques, civil d'abord, avec Ahmed Sékou Touré, militaires ensuite, ce pays d'Afrique de l'Ouest a une chance de faire un grand pas vers la démocratie, mais l'importance des défis à relever ne peut qu'inciter à la plus grande prudence. Premier challenge, comment faire rentrer les militaires dans leurs casernes ? Après le long règne du «père de l'indépendance», leader progressiste devenu dictateur, l'armée a pris les rênes du pouvoir avec Lansana Conté, puis le capitaine Camara avec le coup d'Etat du 23 décembre 2008. «C'est le problème numéro un car l'armée n'est pas républicaine», indique le président de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme. Au sein des forces armées, des groupes sont les instruments de l'exercice du pouvoir et ne veulent pas l'abandonner. L'accord de sortie de crise de Ouagadougou, signé vendredi, prévoit certes le maintien «en convalescence» à l'étranger du capitaine Camara, gravement blessé par balles à la tête lors d'une tentative d'assassinat le 3 décembre dernier. Le texte stipule aussi que les autorités de transition, les membres de la junte et des forces de défense et de sécurité «en activité» ne participeront pas à ce scrutin. Mais la mention «en activité» peut laisser entendre qu'un militaire ayant au préalable quitté l'armée peut se porter candidat. Comment faire appliquer cet accord au sein d'une armée qui, si elle demeure la colonne vertébrale des régimes successifs, n'en reste pas moins traversée par de profondes divisions, tant politiques, ethniques que générationnelles ? Deuxième défi, que faire de l'encombrant capitaine Dadis Camara, actuellement au Burkina Faso ? Dimanche, il a déclaré : «J'ai besoin de repos, donc d'une convalescence suivie.» Mais il a aussitôt ajouté : «Je suis libre de passer ma convalescence où je voudrais». Dans ce même discours, après avoir appelé au calme ses sympathisants, il a lancé sans plus de précisions : «Je serai parmi vous bientôt.» Mis en cause avec d'autres par l'ONU après le massacre de 150 opposants le 28 septembre à Conakry, sera-t-il poursuivi et jugé un jour ? «En octobre, un examen préliminaire de la situation a été engagé afin de déterminer si des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) ont été perpétrés», selon un communiqué du bureau du procureur à La Haye. Enfin, comment organiser des scrutins «libres et transparents» en seulement six mois ? «Dans le passé, toutes les élections, présidentielles comme législatives, ont été vivement contestées ou même boycottées par l'opposition. L'accord de Ouagadougou prévoit une révision des listes électorales, mais six mois, c'est un peu court, tellement il y a de problèmes et de défis», relève le responsable de l'Ogdh. Le scrutin risque, en outre, de tomber en pleine saison des pluies, et accroître ainsi les difficultés logistiques.