Il était une fois, une bonne femme qui aimait bien faire des tranches de pain grillé et à boire un petit coup. Mais son homme le lui défendait. Un matin que son homme était parti aux champs, la voilà qui se met à faire une tranche de pain, mais elle avait laissé ouvert le haut de la porte de séparation et sa vache la regardait par-dessus. C'était du temps où les bêtes parlaient. La bonne femme eut peur que la vache ne la vendît ; elle voulut la chasser, mais la bête revenait toujours ; elle lui jeta une hachette à la tête et la tua sur-le-coup. — Qu'est-ce que notre homme va me dire, quand il reviendra, et trouvera notre pauvre vache morte ? Il me tuera du coup. J'aime mieux m'en aller. Elle quitta donc sa maison et n'emporta que le volet de la porte. Elle rencontra son homme en chemin. — Où t'en vas-tu, comme ça ? — Je m'en vais. Des voleurs sont venus chez nous. Ils ont tout détruit, il n'est resté que le haut de la porte, que voilà. — Eh bien ! ma pauvre femme, puisqu'il ne nous reste rien, allons-nous-en ensemble. Les voilà partis tous deux de compagnie. Ils arrivèrent à un bois. Ils étaient si las qu'ils s'assirent sous un sapin pour se reposer. Mais tout à coup des gens arrivent. Le bonhomme et la bonne femme eurent peur ; ils grimpèrent dans le sapin, emportant toujours le volet de la porte, et ils attendirent. Les gens qui arrivaient étaient des voleurs. Sur leur route ils avaient rencontré la vache que la bonne femme avait tuée, et ils cherchaient un endroit pour la rôtir. Ils s'installèrent justement sous le sapin ; ils coupèrent la vache en morceaux, ils se firent un trépied avec des pierres, allumèrent un feu de bois et rôtir des tranches de la vache. L'homme et la femme voyaient tout ça du haut de l'arbre ; mais la femme était bien embarrassée car elle avait envie d'uriner. Elle le dit à son homme. — Retiens-toi tant que tu pourras, lui dit-il, ils finiront par s'en aller. Elle se retint donc, mais les hommes ne s'en allaient pas. Au bout d'un moment elle dit à son mari qu'elle n'en pouvait plus et qu'il lui était impossible de se retenir. — Eh bien ! lâche tout ! lui dit son homme. Elle ne se le fit pas redire, elle lâcha tout ; cela coula de branche en branche jusque sur le brasier. Les voleurs levèrent la tête, mais le feuillage était si épais qu'ils ne virent rien. — Va toujours, dit le chef à celui qui cuisinait ; c'est le bon Dieu qui nous envoie la sauce. Une minute après, la femme dit à son homme qu'elle avait mal au ventre. — Retiens-toi, retiens-toi, lui dit son mari. — Elle se retint tant qu'elle put, mais elle finit par dire à son homme qu'elle n'y pouvait plus tenir. — Eh bien ! tant pis, lâche tout ! lui dit son homme. Elle lâcha tout, et après avoir dégringolé de branche en branche, cela finit par tomber sur le brasier. — Va toujours, dit le chef, c'est bon Dieu qui nous envoie de la moutarde.(à suivre...)