InfoSoir : Comment peut-on expliquer ces dérives, d'un côté psychologique ? D. Soltani : Un imam ou un prêtre qui abuse d'enfants est atteint de pédophilie, une perversion qui désigne l'attirance sexuelle anormale d'un adulte pour les enfants. Elle est classée comme trouble des préférences sexuelles (maladie mentale) par le manuel Diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM) 4. La pédophilie peut être hétérosexuelle, homosexuelle ou mixte. Elle peut coexister avec une sexualité par ailleurs normale «comme c'est le cas des imams des écoles coraniques, dont nombreux sont mariés». On peut distinguer le pédophile névrotique chez qui on peut remarquer l'abstinence volontaire «passage à l'acte refoulé» ou le passage à l'acte circonstanciel où l'adulte dérape sans avoir spécialement conscience de ses désirs pédophiles. Les hommes de religion ont toujours joui d'une grande liberté. On y place même une confiance aveugle qu'ils trahissent en faisant subir à des mineurs des viols et des abus. Ces délits exigent aujourd'hui la nécessité de revoir les critères de leur sélection. Il faudrait soumettre ces derniers à une expertise psychologique et mentale avant qu'ils n'occupent des postes aussi sensibles et mettre en place des mécanismes de contrôle sur leur activité. Pourquoi, selon vous, la foi (la croyance en des vertus absolues), ne peut empêcher ces hommes de religion de commettre ces actes de déviance ? Pour ces personnes qui présentent un comportement sexuel pathologique, la foi n'est qu'une couverture. Un homme de religion passe à l'acte de pédophilie, déviance qu'il exerce librement profitant de son autorité, de la soumission de l'enfant exposé à sa «tyrannie» et de la confiance aveugle des parents. Parfois, le pervers se trouve impuissant à retenir sa maladie. Il passe à l'acte pervers inconsciemment et la foi ne peut l'en empêcher. Et comme l'homme de religion est soucieux de donner une bonne image en dehors du lieu de culte, ayant peur d'être pris en délit d'actes pervers et perdre, par conséquent, son autorité spirituelle, il commet ces actes au sein même du lieu de culte. Le cachet «sacré» que lui confère son rôle d'imam ou de prêtre et sa foi supposée concourent à lui permettre de continuer à abuser des autres fidèles... La tendance actuelle est de punir ces «pervers» en les emprisonnant ou en les écartant carrément du milieu religieux. Pourquoi, selon vous, on ne parle pas, ni dans les pays musulmans ni dans les chrétiens, de psychothérapie ? L'urgence face à des hommes de religion «pédophiles» est de leur interdire définitivement d'être en contact avec les enfants. Prononcer des peines répressives à leur encontre demeure une forme de punition, mais leur prise en charge psychologique par des séances de psychothérapie entre dans le cadre de la prévention des récidives. Chez nous, la défaillance en matière d'accompagnement peut s'expliquer par le caractère compliqué de la pédophilie qui est souvent le symptôme qui accompagne plusieurs troubles de personnalité. Parmi les pédophiles, on trouve d'anciens enfants violentés, des personnes intellectuellement déficitaires, ou, à l'inverse, de grands pervers, parfois des personnes schizophrènes. La formation d'un personnel médical compétent pour pouvoir prendre en charge à la fois les victimes et les bourreaux est une nécessité absolue.