L'instruction va durer deux années entières. Voilà longtemps que Ma'ra' avait prévu de repartir, mais à chaque fois le saint homme promettait de lui faire d'autres révélations à propos des significations du texte coranique qu'il lit et commente pour lui. «Demain, nous allons aborder telle sourate…» Mais quelques versets peuvent prendre parfois plusieurs heures, voire plusieurs jours, et il fallait revenir le lendemain pour continuer. C'est ainsi qu'Ibn Ma'ra' ne pense plus à rentrer chez lui et chaque jour il retrouve le cheikh pour sa leçon. Sa tante, à chaque fois lui demande s'il a appris quelque chose auprès de celui qu'elle considère comme un vieux fou. «Oh, oui, ma tante, beaucoup de choses ! J'apprends auprès de lui ce que mes maîtres, en Andalousie, ne m'ont jamais appris !» Choudhi lui donne son cours puis se lève, va chercher son plateau en bois, le charge de gâteaux et de confiseries et s'en va crier dans les rues : «Bonbons, bonbons, demandez les bonbons de Choudhi, ils ne coûtent presque rien et ils sont délicieux ! Achetez mes bonbons, vous ne le regretterez pas !» Et il rit et il danse avec les enfants amusés par ses pitreries. Plus d'une fois, Ibn Ma'ra' s'est demandé si ce pitre est le même que celui qui, il y a encore quelques instants, lui enseignait la connaissance ineffable…