Résumé de la 86e partie n Victoria se retrouve, elle ne sait comment, en prison... Victoria alla regarder : des eucalyptus poussiéreux, des tamaris touffus, des soucis d'un beau rouge orangé, des palmiers, bref un jardin vraisemblablement très joli aux yeux d'un Oriental, mais qu'un Anglais de la banlieue de Londres eût jugé avec sévérité. Une enfant au visage tatoué de bleu et aux bras couverts de bracelets jouait avec une balle, tout en chantonnant d'une voix nasillarde qui faisait songer aux cornemuses d'Ecosse. Victoria alla à la porte, constata qu'elle était solide, et fermée et alla se rasseoir sur son lit. Où était-elle ? Certainement pas à Bagdad, il n'y avait là-dessus aucun doute. Qu'allait-il advenir d'elle ? Question à laquelle il lui était impossible de répondre. Mr Dakin, elle s'en souvint, lui avait recommandé de ne pas «faire de l'héroïsme». Malgré elle, elle sourit. Elle avait probablement raconté tout ce qu'elle savait, sous l'influence de la drogue... Une seule chose la rassurait : elle était vivante, il suffisait de «tenir» jusqu'à l'arrivée d'Edward. Que ferait-il, Edward, quand il s'apercevrait de la disparition de Victoria ? Irait-il trouver Mr Dakin ? Préférerait-il s'occuper seul de l'affaire ? Comment le deviner ? Soupçonnerait-il Catherine seulement ? Victoria n'en savait trop rien. Tout, en effet, dépendait de ce qu'Edward avait dans le cerveau. Il était gentil, sympathique séduisant. Mais était-il intelligent ? Victoria aurait voulu en être sûre... Intelligent, Mr Dakin l'était. Incontestablement. Mais bougerait-il ? Victoria ne le croyait guère. Pour lui, qu'était-elle ? Un agent, parmi des centaines d'autres. Ils prenaient des risques, couraient leur chance et, s'il leur arrivait un coup dur, c'était tant pis pour eux. On faisait une croix sur leur nom et on leur cherchait un remplaçant. Non, Mr Dakin ne ferait rien. Après tout, il avait prévenu Victoria... Et il n'était pas le seul ! Le docteur Rathbone aussi l'avait prévenue. Ou menacée... Au surplus, prévenue ou menacée, peu importait ! L'événement n'avait pas tardé à donner un sens à ses propos... Un bruit de pas avertit Victoria que quelqu'un approchait, une clé tourna dans l'énorme serrure rouillée de la porte qui s'ouvrit devant un Arabe porteur d'un plateau en étain assez lourdement chargé. Il n'avait pas l'air méchant et c'est avec un large sourire que, tout en disant en arabe des choses que Victoria ne pouvait comprendre, il posa le plateau sur la table. Il ajouta quelques mots, accompagnés de ce geste expressif qui, dans tous les pays du monde, signifie «manger», puis se retira, fermant soigneusement la porte à clé. Victoria examina avec intérêt la nourriture qu'on lui proposait : un bol de riz, quelque chose qui ressemblait à des feuilles de chou roulées, une copieuse tranche de pain arabe et une cruche d'eau fraîche. Elle commença par étancher sa soif, puis elle attaqua le riz, qu'elle trouva bon, et les feuilles de chou qui enveloppaient un hachis d'un goût assez particulier, mais nullement désagréable. (à suivre...)