Détresse Depuis qu?il a perdu l?usage de ses jambes, Ahmed ne pense plus qu?à une chose : comment aider sa pauvre famille s?il ne peut plus marcher ! A peine 21 ans, Ahmed traîne à longueur de journée sur son fauteuil roulant dans les couloirs froids de l?hôpital de Tixeraïne. Anxieux et reclus, il a beaucoup de mal à s?adapter à sa nouvelle vie. Le 26 juillet 2003, alors man?uvre dans un chantier de construction, à Blida, il a chuté du deuxième étage en faisant remonter les seaux de sable aux maçons. Adossé à une brouette, il a perdu subitement l?équilibre et s?est affalé sur le sol. Evacué en urgence à l?hôpital, le jeune ouvrier perd l?usage de ses jambes. Il est condamné à l?immobilité. Triste dans son fauteuil roulant, il jette des regards hagards et mélancoliques. Il retient péniblement ses larmes. Ahmed travaillait au noir, il n?était pas déclaré. Pour camoufler ce grave accident, son patron l?héberge chez lui pendant un mois et demi, le temps qu?il se fasse opérer dans une clinique privée. Depuis six mois, il est hospitalisé à Tixeraïne, et est abandonné à son propre sort. «Les premiers jours de mon admission, mon patron venait me voir, il me remettait à chaque fois 1 000 DA. Depuis un mois et demi, il n?a plus remis les pieds à l?hôpital. Il ne répond même plus sur son portable, il m?évite. Je ne veux rien, je veux juste qu?il me rende mes jambes.» Le jeune garçon baisse les yeux, il se rend compte qu?il hurle et que ses amis le regardent. «Désormais, je ne peux rien faire. J?ai de la peine pour ma famille, comment va-t-elle survivre ?», murmure-t-il. Originaire de Médéa, Ahmed ne compte plus remettre les pieds chez lui, car ses parents pauvres ne peuvent le prendre en charge. «Je suis paraplégique, j?ai besoin de beaucoup de choses. Et puis il fait froid à Médéa et nous habitons un bidonville.» Il retrace son indigence. Dès son exclusion de l?école, il travaille en tant que man?uvre chez un entrepreneur «Même mes copains ne sont pas déclarés. Dès qu?on a demandé à l?être, notre patron nous a sommés de partir. Nous n?avons pas le choix, nous devons travailler pour vivre.» Dure journée pour le gamin, elle commence à 8 h et ne s?achève que vers 17h. Des efforts physiques énormes pour seulement 360 DA/jour. Soit un salaire mensuel de 10 000 DA. «Je dépensais cet argent pour moi et mes 6 frères et s?urs.» Ahmed veut poursuivre son patron en justice, mais n?a aucun autre document que celui établi par la Protection civile lors de sa chute. «Mes amis me disent de laisser tomber, car je n?aurai jamais gain de cause. Mon patron est un homme riche, il pourra même donner des pots-de-vin pour gagner le procès, alors que moi je ne peux même pas payer un avocat !»