Genre n Il y a plusieurs manières de faire du théâtre. Celui-ci revêt des formes diverses dont le théâtre d'ombres – ou ombres chinoises. Dalal Maqari, une Syrienne spécialisée dans le théâtre d'ombres et installée en Allemagne, a récemment animé, au profit de jeunes amateurs, un atelier de création au Théâtre national. S'exprimant sur le travail mené par les stagiaires qu'elle a encadrés, Dalal Maqari dira : «Le travail est simple. A partir d'un texte tout commence : transformer la parole en quelque chose de visuel, en une vision onirique. L'on n'a pas besoin de grands et gros moyens pour composer une scénographie. Tout est dans le geste simple et les petites choses : un objet par-ci, un accessoire par-là, et le tour est joué. Le décor est pensé, conçu. L'on n'a pas besoin de matériaux coûteux. Il suffit juste d'avoir de l'imagination pour composer une scénographie en mesure d'offrir un spectacle théâtral tout en féerie.» Et d'expliquer : «Dans ce genre de théâtre, une forme à part entière de l'expression scénique, l'on privilégie le visuel sur la parole : l'histoire est transformée en un texte visuel.» Cela dit, le théâtre d'ombres a quelque chose de magique, et cette magie consiste en cette capacité de donner l'illusion du mouvement, et ce, à partir du jeu d'ombre et de lumière. «Car l'intérêt dans la pièce, ce n'est certainement pas le décor, mais ce que la scénographie peut faire voir, c'est-à-dire ce qui apparaît, comme par magie, en arrière-plan de la scène», souligne-t-elle, et de poursuivre : «Ce sont les ombres qui confèrent au jeu, du langage, du caractère, du relief… C'est cette vie qui surgit, en arrière-fond, de l'obscurité, lorsqu'elle prend forme et revêt un sens qui lui donne toute sa réalité scénique, à savoir sa théâtralité. C'est un moment magique, l'instant d'une représentation.» Effectivement, le théâtre d'ombres est un théâtre original, sa spécificité réside dans cette originalité par laquelle il se distingue. Il déroule naturellement et spontanément, tout en beauté, un univers d'extase, d'expression, de grande béatitude, un univers d'ombres, un monde constitué seulement d'ombres, mouvantes et furtives, des mouvements évanescents, aériens, telles des formes – ou expressions – spectrales qui dansent, ça et là, sur la surface sur laquelle est projetée, à l'aide de lumière, toute la scénographie. Les représentations qui apparaissent en arrière- plan, comme miraculeusement sorties du néant, prennent instantanément des apparences fantomatiques. Elles donnent l'impression d'errer, de voguer… Le jeu d'ombres et de lumières est franc, équilibré, la conjugaison de ces deux éléments, essentielle dans l'accomplissement de cette forme théâtrale, est harmonieuse, mélodique. Cet équilibre propose une expression forte, soutenue, le langage théâtral s'avère juste, accrocheur. S'appuyant sur une scénographie multiple, démonstrative, le théâtre d'ombres construit, selon Dalal Maqari, «sur un imaginaire vaste et ouvert à toutes les suggestions possibles pour mettre en espace une situation scénique», laisse voir et ressentir une esthétique spectaculaire. La poétique est telle que le jeu revêt aussitôt une dimension spectaculaire. Place à la rêverie. Le transport est assuré. Force est de constater que cette forme théâtrale, qui est «un élément constitutif de l'expression théâtrale, puisqu'elle se base essentiellement sur le travail scénographique», privilégie avant tout la lumière, puis il y a le son (musique) qui donne au jeu et à l'expression du mouvement sa teneur, son volume et sa signification, c'est-à-dire sa dramaturgie. Puis, il y a le texte, celui-ci comporte l'histoire à raconter. «Dans ce genre de théâtre, dit Dalal Maqari, il n'y a pas de comédiens et de comédiennes. Tout est dans la scénographie, qui est d'ailleurs le personnage principal, et cette manière extraordinaire et spectaculaire de la mettre dans ce rapport d'ombres et de lumières. Un rapport de réciprocité. Le jeu est beau. La démonstration est sensationnelle.»